Les échanges dette-nature et les océans : l’obligation bleue du Belize

Cet article traite de…

• Introduction: la dette, un levier pour sauver les océans. Le récent échange dette-nature (portant sur la protection de l’océan) réalisé par l’ONG américaine TNC (The Nature Conservancy) au Belize, à hauteur d’un demi-milliard de dollars et des nouvelles récentes du “plan audacieux” de TNC concernant d’autres dettes-nature dans plusieurs pays dont le Kenya, l’Équateur, la Barbade et Sainte-Lucie, plus 15 autres projets programmés.

• Partie 1: Comprendre l’échange dette contre nature du Belize. Une analyse de l’accord récent entre TNC et ce pays.

• Partie 2: Un rappel historique des échanges dette-océan de TNC. L’histoire des dettes-nature et une analyse qui démontre comment les récents échanges de dettes incarnent la financiarisation de la conservation.

• Partie 3: Les controverses sur les échanges de dettes. Les raisons pour lesquelles ces échanges de dettes sont inquiétants pour la pêche artisanale.

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Cette nouvelle ingénierie financière, qui consiste concrètement à échanger des dettes contre la préservation des dauphins et d’autres espèces marines, a pour but de sauver les populations de coraux, de thons et de tortues, aujourd’hui piégés dans la tourmente de la surpêche et du changement climatique. Si ce système fonctionne, il assurera également l’avenir économique de la nation, qui est entièrement dépendante du tourisme et de la pêche. Alors que d’autres États tributaires de l’océan s’apprêtent à suivre le mouvement, cette approche pourrait transformer de vastes aires marines aujourd’hui en péril sur notre planète”.
— Dan Carrington, dans un article publié dans The Guardian, dans lequel il explique comment TNC avait aidé en 2015 les Seychelles à réaliser un échange de dette-nature en faveur de la conservation de l’environnement marin.

Introduction : la dette, un levier pour sauver les océans

Les initiatives internationales de lutte contre la crise climatique et de défense de la biodiversité ont été transformées par le concept de « financement de la conservation ». L’idée est que le sauvetage de la nature est un impératif pour perpétuer la croissance économique, et que la seule façon d’y parvenir est de concevoir la conservation comme une industrie à but lucratif. Nous avons exposé les origines de cette approche, ainsi que ses répercussions sur les plus grandes organisations de conservation du monde, dans notre introduction à la financiarisation de l’économie bleue.

Le secteur du financement de la conservation regorge d’idées sur la manière de vendre les projets de conservation aux investisseurs privés. The Nature Conservancy (TNC), l’ONG environnementale la plus riche du monde, est le leader du secteur dans ce domaine. L’une de ses stratégies récentes est connue sous le nom d’échange de dettes, ou dette-nature. Le principe consiste à acheter les dettes des pays en développement et à demander en retour aux gouvernements de ces pays de s’engager à conserver la biodiversité et les écosystèmes importants. Ces accords semblent en apparence apporter une réponse à deux problèmes interdépendants : ils sont favorables à la conservation, en augmentant les dépenses qui lui sont consacrées et en renforçant les engagements politiques en sa faveur, et ils réduisent le fardeau de la dette des pays en développement. De nombreuses organisations soutenant ces accords argumentent en outre que la réduction de la dette des pays en développement engendre un avantage indirect pour la protection de la nature : en effet, les pays très endettés peinent souvent à assurer les coûts de protection de leur faune et de leur flore, car une part importante de leurs recettes publiques est captée par des créanciers étrangers.

Les échanges de dettes financés par des organisations de conservation ont été utilisés pour la première fois à la fin des années 1980, en réponse à la crise mondiale de la dette de cette période. À l’époque, ils se fondaient sur l’achat de dettes dues par les pays en développement aux banques occidentales, et le produit de ces échanges était largement investi dans la conservation des forêts tropicales. Ces accords étaient appelés des « dettes-nature ». À la fin des années 1990, les échanges de dettes impliquant des dettes commerciales se sont taris, mais d’autres échanges faisant intervenir une aide bilatérale ont alors été développés et ont continué à être utilisés, principalement par le gouvernement américain. Cependant, après le krach financier de 2008, TNC, en partenariat avec des banques d’investissement telles que JP Morgan et Goldman Sachs, a compris l’intérêt de revitaliser les échanges de dettes commerciales. L’une des principales raisons était que les gouvernements des pays en développement se dirigeaient vers une nouvelle crise de la dette, avec une escalade des dettes auprès des prêteurs privés.

TNC a radicalement transformé la structure et les caractéristiques de ces accords. L’un des changements majeurs a été la priorité donnée aux océans. Un autre changement illustre l’influence de la financiarisation : les nouveaux accords développés par TNC utilisent l’argent d’investisseurs privés pour acheter des montants de la dette des pays en développement beaucoup plus importants que dans les années 1980 et 1990. La collaboration en partenariat avec des banques d’investissement a fait énormément monter en puissance les échanges de dettes.

Le premier grand échange dette-nature finalisé par TNC en faveur des océans a été conclu avec les Seychelles en 2015. Il s’agissait de la plus grande dette-nature au monde financée par une ONG environnementale, avec l’achat de 21 millions de dollars de dettes dues par les Seychelles à des donateurs européens. En contrepartie, le gouvernement des Seychelles s’engageait à transformer la moitié de ses territoires maritimes en aires marines protégées. Cet accord a été largement salué comme l’une des plus brillantes réussites jamais réalisées dans le domaine de la conservation. TNC, cependant, l’a décrit comme une première étape, une simple validation de principe.

En 2018, TNC a annoncé ce qu’elle a appelé son « plan audacieux », déclarant son ambition de racheter plus d’un milliard de dollars de dettes dues par les États tropicaux côtiers et les petits États insulaires, avec pour objectif une augmentation considérable de l’étendue des aires marines protégées de la planète. TNC n’a fourni qu’une documentation limitée concernant ce plan. Elle l’a cependant résumé sous la forme d’un diagramme (voir figure 1) dans un court article de blog, le présentant comme un instrument financier qui multiplierait par 40 l’argent des investisseurs privés, soit un chiffre faramineux générant ainsi un flux de financement encore jamais inégalé en faveur des aires marines protégées. Dans une revue académique, TNC a également mis au point un indice de 85 pays déterminant leur « profil de risque » en matière d’achats de dette. Elle constituait ainsi un répertoire des pays offrant les plus grandes chances de succès aux investisseurs. TNC se montrait optimiste, car l’indice révélait que la crise de la dette avait multiplié le nombre de pays susceptibles d’être intéressés par des échanges de dettes. La situation a de quoi laisser perplexe : une ONG environnementale qui considère l’aggravation de la crise de la dette comme une occasion d’augmenter le financement de la conservation et les engagements écologiques des pays en développement. Citons ici TNC :

L’économie mondiale connaît une nouvelle vague d’accumulation rapide de la dette ; la charge de la dette sur les marchés émergents et dans les économies en développement a atteint un niveau record de 55 000 milliards de dollars en 2018 [...]. Les changements intervenus au cours des dernières décennies concernant les instruments de financement mis à la disposition des pays en développement et des économies en transition signifient que les volumes de dette extérieure souveraine commerciale à haut risque disponibles à l’achat sur les marchés secondaires sont plus élevés que jamais.”
— TNC considère la crise de la dette croissante comme une opportunité

À sa publication, le plan audacieux de TNC n’avait reçu qu’un écho modeste à l’échelon international et il avait à peine été mentionné dans la multitude des rapports sur le financement de la conservation. Peut-être était-il si audacieux qu’il n’avait guère été pris au sérieux. Cependant, lors de la pandémie de COVID-19, alors que l’ampleur des dettes des pays en développement atteignait des limites insoutenables, TNC a finalisé fin octobre 2021 avec le Belize le premier échange de dettes comprenant une dette commerciale. Dans le cadre de cet accord, en partenariat avec le Crédit Suisse, l’ONG a ainsi financé l’achat de 533 millions de dollars de dettes : or, dans l’histoire des échanges de dettes, il s’agit d’une somme hors du commun.

Après avoir annoncé l’échange de dettes conclu avec le Belize, TNC a laissé entendre qu’il ne s’agissait effectivement que du premier de toute une série d’accords. TNC reste cependant discrète quant aux prochains pays concernés. C’est compréhensible. Annoncer que vous avez l’intention d’acheter une grande partie de la dette d’un pays peut avoir des effets imprévisibles sur les marchés financiers et le comportement des autres créanciers. Il est cependant possible de trouver des informations sur les pays avec lesquels TNC négocie actuellement des échanges de dettes. On retrouve la trace de rumeurs de ces accords sur les sites Web des actualités du secteur financier. Une autre source d’information est le site Web du DFC (Development Finance Corporation) du gouvernement américain. En effet, le plan audacieux de TNC nécessite des garanties d’investissement de la part du gouvernement américain, et les accords relatifs à ces garanties sont publiés.

En 2021, le DFC a consenti à TNC des garanties d’investissement lui permettant de finaliser des échanges de dettes dans trois autres pays : le Kenya, où TNC finalise actuellement un achat de dettes de 460 millions de dollars, Sainte-Lucie (235 millions de dollars) et la Barbade (237 millions de dollars). La documentation du DFC fait également référence à un « plan directeur » qui donne à TNC le feu vert pour acheter des dettes dans 20 pays. Au moment de la rédaction de cet article, il n’a pas été possible de trouver des informations sur ces autres pays.

Tant que les accords ne sont pas finalisés, il est impossible de connaître le montant des dettes que TNC achètera pour financer la conservation des océans et quel en sera le résultat financier. Il est possible que les échanges de dettes au Kenya, à Sainte-Lucie et à la Barbade ne soient pas approuvés. Les échanges de dettes sont des arrangements juridiques complexes dont la finalisation peut nécessiter des années, et qui peuvent facilement être remis en cause par toutes sortes d’événements, notamment des élections. Mais si les garanties financières américaines sont la preuve que les accords sont sur le point d’être conclus, alors TNC est peut-être à deux doigts de réaliser un échange de dettes de conservation des océans d’un montant de plusieurs milliards de dollars, soit bien plus que ce qu’elle avait prévu à l’origine pour son plan audacieux.

La Corporation américaine de financement du développement (DFC) a donné des garanties d'investissement à TNC pour 20 échanges dette-océan, mais les informations publiques sur les pays où ces échanges sont en cours de négociation sont limitées. Photo: Matemwe, Zanzibar, Tanzania par Crispin Jones.

Les implications des nouveaux « échanges dettes-océan » de TNC vont bien au-delà des océans eux-mêmes. Le travail de TNC inspire de nombreuses autres organisations qui considèrent les échanges de dettes similaires comme la solution à la crise climatique, d’où la proposition d’ « échanges de dette climatique ». On trouve désormais un déluge de rapports et d’études sur les possibilités d’utiliser les échanges de dette pour aider les pays en développement à mieux se reconstruire, et aussi pour aider les pays industrialisés à acquitter leur dette écologique envers les pays en développement. Le cas des Seychelles et du Belize servent de base aux stratégies éventuelles à suivre.

QUELLE IMPORTANCE POUR LA PÊCHE ARTISANALE ?

Pour les organisations travaillant sur le concept d’économie bleue, en particulier du point de vue de la pêche artisanale, répondre à la progression de ces échanges de dette contre océan est une tâche essentielle. C’est un défi de taille, car les instruments financiers sont eux-mêmes complexes, et nécessitent d’aborder des politiques qui ne sont en général pas considérées comme des priorités à défendre dans le secteur de la pêche, notamment la dette nationale et la restructuration de la dette. Cependant, le cas des échanges de dette met en évidence la pertinence de ces enjeux macro-économiques pour les parties prenantes des secteurs maritimes.

Alors que les pays très endettés rognent souvent sur les services sociaux destinés aux communautés rurales, les efforts déployés par les organisations étrangères pour aider les pays en développement à restructurer leur dette sont souvent assortis de conditions politiques qui compromettent l’utilisation durable des ressources naturelles. Aujourd’hui, la dette s’accompagne d’autres critères : les pays industrialisés sont invités à augmenter leur aide au développement, mais aussi à assumer des compensations significatives en lien avec leurs dettes écologiques envers les pays en développement, y compris les dommages considérables impactant les communautés côtières en raison de la crise climatique.

La quasi-totalité des médias considèrent les échanges dette-nature comme des instruments financiers ingénieux. Cette attitude néglige cependant les graves critiques qui leur ont été opposées dans les années 1980 et 1990 : de nombreuses organisations discréditaient à cette époque les échanges dette-nature, les considérant comme symptomatiques de la fusion de la conservation avec le dogme économique néolibéral.

Les échanges de dette se prêtent facilement à des interprétations erronées et leurs avantages en termes de réduction de la dette des pays en développement et de conservation de la nature sont exagérés. Ces transactions manquent de transparence et la puissance et les avantages qu’elles apportent à des organisations telles que TNC, sous la forme d’un degré de gouvernance des secteurs maritimes des pays en développement, ont de quoi inquiéter. Les échanges de dette peuvent être accompagnés d’un ensemble élargi d’obligations, notamment la privatisation des droits de pêche, la promotion du commerce du carbone bleu, le développement de l’écotourisme de luxe et de la pisciculture industrielle. Ce sont là autant de politiques auxquelles les communautés de la pêche artisanale se sont souvent opposées.

En outre, si l’importance des sommes en jeu a de quoi en éblouir plus d’un, c’est oublier que ces accords créent une dépendance excessive des pays en développement vis-à-vis du secteur financier privé mondial. Les échanges de dette ne se résument pas à basculer des fonds dus à des créanciers étrangers vers des fonds locaux réservés à des aires marines protégées : ils perpétuent une vision dévoyée de la conservation de la planète qui nécessite un flux incessant de revenus destinés aux banques d’investissement, aux fonds spéculatifs et aux gestionnaires d’actifs. Non seulement ces accords redorent le blason des institutions qui sont les premières responsables de la dette et de la crise écologique, mais elles leur permettent de continuer à gagner de l’argent en essayant de résoudre ces problèmes. Ces échanges de dettes commerciales risquent de saper des propositions plus progressistes en matière d’équité de la dette et de compensations des dettes écologiques contractées auprès des pays en développement.

Partie 1 : Comprendre l’échange dette contre océan du Belize

Les échanges de dette élaborés par TNC sont des arrangements financiers complexes. Leur compréhension est d’autant plus difficile que des informations indispensables ne sont souvent pas rendues publiques. Par ailleurs, les rapports superficiels sur les échanges de dette, insuffisamment documentés, sont souvent trompeurs. Cette section décrit l’échange de dette du Belize en quatre parties, mais il est à noter que certains aspects restent inconnus.

A. LA DETTE DE L’EURO-OBLIGATION

L’échange de dette au Belize se base à l’origine sur une « euro-obligation » (eurobond) souveraine, qui est un emprunt contracté auprès d’investisseurs privés et dont les paiements sont effectués dans une devise étrangère. Le terme prête à confusion car l’emprunt n’est pas nécessairement libellé en euros, la plupart des euro-obligations étant libellées en dollars américains. Une euro-obligation émise par un gouvernement est appelée une « obligation souveraine », par opposition aux obligations émises par des entreprises. Elles sont émises aux États-Unis et en Europe par des banques d’investissement qui ont pour rôle de les commercialiser auprès des investisseurs. Les euro-obligations peuvent être comparées aux autres dettes souveraines, telles que les prêts bilatéraux accordés par des gouvernements étrangers, et les prêts multilatéraux accordés par des organisations intergouvernementales (telles que l’UE ou l’ONU) ou des banques de développement (telles que la Banque mondiale).

Avant la fin des années 2000, la plupart des dettes extérieures des pays en développement étaient des prêts bilatéraux et multilatéraux, dont la plupart correspondaient à la définition de l’aide publique au développement (APD), avec des taux d’intérêt inférieurs à ceux des marchés commerciaux. Depuis cette époque, les euro-obligations ont connu une croissance spectaculaire dans les pays en développement. De nos jours, la majeure partie de la dette extérieure des pays en développement est empruntée sur le marché des euro-obligations. La dette bilatérale et multilatérale a décliné, à l’exception des prêts émis par la Chine.

La Corporation américaine de financement du développement a donné des garanties d'investissement à TNC pour 20 échanges dette contre océan, mais les informations publiques sur les endroits où ces échanges sont en cours de négociation sont limitées. Photo: Frank Busch.

Les euro-obligations sont le facteur principal d’une crise de la dette qui s’est aggravée au cours de la pandémie. En cas de hausse des taux d’intérêt et des frais de commission, et parce qu’elles sont émises en devises étrangères, elles voient le coût de leur remboursement augmenter en cas de dépréciation de la devise nationale. Les euro-obligations sont prisées des investisseurs étrangers car il s’agit d’actifs à haut rendement. En effet, la quantité des fonds levés par le biais des obligations dépend souvent de la demande étrangère en investissements, et non des besoins du pays pour financer des projets dont les dépenses sont spécifiques. Des montants d’emprunts excessifs constituent donc un problème fréquent.

Les euro-obligations sont également alléchantes pour les gouvernements des pays en développement, car elles constituent un moyen facile de lever des capitaux, sans transparence ni contrôle public. Inévitablement, plusieurs euro-obligations émises par des pays en développement se sont retrouvées entachées par la fraude et la corruption, tandis que le marché des euro-obligations est considéré comme insuffisamment réglementé par de nombreux spécialistes.

Il n’est pas rare que des gouvernements se retrouvent à court de liquidités pour payer les détenteurs d’obligations. De plus, assez fréquemment, les pays en développement émettent de nouvelles euro-obligations pour rembourser les anciennes. Cette manne obligataire s’est révélé une aubaine pour les « fonds vautours spécialisés dans la dette souveraine ». Ces fonds spéculatifs achètent des obligations d’un pays juste avant qu’il ne fasse faillite, puis le poursuivent hargneusement en justice (généralement devant les tribunaux britanniques) pour obtenir la valeur nominale intégrale de l’obligation.

Comme de nombreux autres pays en développement, le Belize a émis des euro-obligations (avec l’aide de CitiBank et JP Morgan) pour un montant trop important et un coût de remboursement trop élevé. La « super-obligation » lancée par le Belize en 2008 a permis de restructurer tous ses prêts commerciaux en cours auprès des banques étrangères pour les regrouper en une seule obligation payable en dollars. Au fil des années, le Belize a régulièrement fait défaut sur les paiements des taux d’intérêt (appelés coupons) et a restructuré sa super-obligation à trois reprises, la dernière restructuration remontant à 2017.

La restructuration consiste à rembourser les détenteurs d’obligations avec une décote, puis à réémettre l’obligation avec des conditions différentes. Dans le cadre de la restructuration d’une dette, et souvent avec le soutien du FMI, les gouvernements promettent de mettre en œuvre des politiques visant à accroître la croissance économique, par exemple via une réduction des dépenses publiques, une libéralisation de l’économie ou une augmentation des impôts.

La « super-obligation » du Belize offrait aux nouveaux détenteurs d’obligations un taux d’intérêt nominal d’environ 5 % (passant à 6,7 % en 2021), la prime finale (la valeur initiale de la dette) devant être remboursée aux investisseurs en plusieurs versements entre 2030 et 2034. En octobre 2021, acculé par les impacts divers de la pandémie de COVID-19, le Belize a annoncé à ses détenteurs d’obligations que des paiements de coupons d’une valeur supérieure à 13 millions de dollars ne pourraient être honorés et que sa super-obligation se négociait à une valeur inférieure de 40 % à sa valeur nominale initiale. La financiarisation est donc considérée par beaucoup comme la dynamique fondamentale qui a contribué à des inégalités aussi considérables dans le monde, tout en devenant une menace existentielle pour la démocratie. Elle transfère en effet la propriété et le contrôle d’une très importante partie de ce qui appartient à la société à un groupe minuscule d’investisseurs et d’institutions financières extraordinairement fortunés, en faisant tout tourner autour de la maximisation des profits sur des périodes de plus en plus courtes.

B. LE RACHAT DE LA DETTE

Dans ce contexte, TNC a pu proposer un prêt, avec intérêts, au gouvernement du Belize pour racheter les obligations avec décote. Cette solution est possible parce que les détenteurs d’une mauvaise dette peuvent se contenter d’un paiement forfaitaire en espèces, même s’il ne correspond pas au montant total proposé lors de l’émission de l’obligation. 75 % des détenteurs d’obligations, soit le quota exigé, ont accepté un accord en l’espace de quelques mois, ce qui suggère qu’ils étaient impatients de vendre.

Le prêt de TNC a été émis par une nouvelle société créée en 2021, appelée Belize Blue Investment Company (BBIC), qui a désigné le Crédit Suisse pour faciliter le financement du prêt. La BBIC, filiale de TNC, est enregistrée dans un paradis fiscal américain, l’État du Delaware. Le prêt de 363 millions de dollars consenti au gouvernement du Belize était conditionné à un accord sur l’utilisation que le gouvernement ferait de ces fonds. Le texte reste confidentiel, mais selon une déclaration faite au parlement par le Premier ministre du Belize, John Briceno, l’utilisation du prêt se décompose comme suit :

  • 301 millions de dollars ont été utilisés pour rembourser les détenteurs d’obligations, soit un remboursement du prêt avec une décote d’environ 45 % de la valeur nominale initiale de la super-obligation. En d’autres termes, le Belize a effacé sa dette en réalisant une économie initiale d’environ 260 millions de dollars. Point essentiel, l’accord de règlement auprès des détenteurs d’obligations semblait plus avantageux que de leur payer la valeur marchande actuelle des obligations. L’accord a permis d’économiser 5 % supplémentaires. Ces 5 % supplémentaires auraient été convenus parce que les économies réalisées grâce à l’accord seraient consacrées à sauver la biodiversité océanique. Les détenteurs des obligations pouvaient donc revendiquer d’avoir fait un don en faveur de la conservation marine.

  • 24 millions de dollars ont été versés en dotation à un Fonds marin national qui fonctionne comme une obligation locale. Les intérêts sur cette somme sont mis à la disposition d’une nouvelle ONG locale qui sera enregistrée au Belize et mise en place par TNC. La prime de la dotation, soit 24 millions de dollars, a une échéance de 20 ans, ce qui signifie que la somme initiale de 24 millions de dollars sera reversée à l’ONG en 2041. Il est intéressant de noter que ce chiffre, 24 millions de dollars, correspond à la décote supplémentaire estimée à 5 % obtenue lors du règlement de la dette auprès des détenteurs d’obligations. En plus de cet investissement, le gouvernement du Belize a également promis de verser au Fonds marin 4 millions de dollars par an pendant les 20 prochaines années, bien que cet argent provienne des propres fonds du gouvernement et non du prêt de la BBIC.

  • 10 millions de dollars doivent être mis de côté dans un compte de réserve pour le service de la dette. Ils doivent servir d’assurance pour les périodes où les intérêts du prêt au BBIC ne pourront pas être servis.

  • 10 millions de dollars sont destinés à divers frais juridiques et de conseil encourus à la suite du rachat des obligations initiales.

  • 18 millions de dollars sont mis de côté en tant que « décote d’émission initiale », car la BBIC, avec l’aide du Crédit Suisse, vendra à des investisseurs privés la dette qui lui est due par le gouvernement du Belize. Le capital initial de l’obligation bleue du Belize ayant été mis à disposition par le Crédit Suisse sur ses propres réserves, le Crédit Suisse récupérera son investissement en vendant le prêt. Pour attirer ces investisseurs, ces 18 millions de dollars seront utilisés pour financer un prix avec décote proposé aux premiers clients.

Le prêt accordé par la BBIC était conditionné à une série d’engagements de la part du gouvernement du Belize en faveur de l’amélioration de la gestion de ses aires marines. Comme il a aussi été partiellement utilisé pour financer le Fond marin, TNC appelle ce prêt le « Belize Blue Bond », l’euro-obligation bleue du Belize. L’idée d’obligation bleue a été créée pour les Seychelles par la Banque mondiale et TNC. Elle décrit une euro-obligation dans laquelle le produit du prêt est utilisé pour financer des projets qui soutiennent le développement durable des aires marines et la conservation des océans. Il s’agit d’une désignation non officielle, car il n’existe pas encore de lignes directrices internationales concernant la définition des obligations bleues, tandis que les obligations vertes répondent à des normes plus précises.

TNC, avec l'aide du Crédit Suisse, a prêté 353 millions de dollars à Belize dans ce qu'on appelle une "obligation bleue". Toutefois, seuls 24 millions de dollars seront utilisés pour financer directement la conservation des océans. Le reste du prêt est utilisé pour rembourser les propriétaires de mauvaises dettes du Belize. Photo: Meritt Thomas.

La qualification du prêt accordé au Belize d’ « obligation bleue » est douteuse, car l’utilisation du produit du prêt est principalement destinée au rachat de la dette et au service d’une nouvelle dette (339 millions de dollars sur 353). Seule une partie minoritaire du produit (24 millions de dollars) est en effet destinée au financement de projets de conservation des océans. Un emprunt servant principalement à racheter une dette ne serait pas considéré comme conforme aux critères d’une obligation verte.

Dans son discours au Parlement, le Premier ministre du Belize a indiqué que le taux d’intérêt du prêt accordé par la BBIC serait d’environ 6 % et que le montant total du prêt devrait être remboursé en 9 ans.

Le gouvernement américain, par le biais du DFC (Development Finance Corporation), a fourni une garantie d’investissement à TNC. Par conséquent, au cas où le gouvernement du Belize ne parviendrait pas à honorer ses remboursements, les acheteurs de l’obligation bleue du Belize peuvent compter sur le soutien du gouvernement américain pour récupérer leur argent. Grâce à cette garantie, il est beaucoup plus facile pour TNC et le Crédit Suisse de vendre la dette à d’autres investisseurs.

Un autre avantage d’une garantie d’investissement de la part d’un garant puissant tel que les États-Unis est qu’elle permet à l’émetteur de la dette de proposer des taux d’intérêt plus bas, et aux pays en développement de lever des fonds à moindre coût. Elle rend l’achat des dettes des pays en développement moins risqué et permet d’obtenir une évaluation plus favorable de la part des agences de notation de crédit. Mais le Belize ne semble pas avoir bénéficié de ce dividende. Malgré la garantie d’investissement américaine, le taux d’intérêt de l’obligation bleue du Belize est similaire aux taux d’intérêt de la super-obligation originelle (environ 6 %).

C. LA POLICE D’ASSURANCE CLIMATIQUE

Une autre caractéristique de l’accord est que la nouvelle dette établie pour le Belize s’assortit d’une assurance contre les impacts économiques du changement climatique. Dans le secteur privé des assurances, un marché prospère des risques liés au climat s’est développé, dont les « obligations catastrophe » (CAT) sont un dérivé. Grâce à ces instruments d’assurance, les gouvernements ou les entreprises peuvent obtenir des prêts ou souscrire des polices d’assurance qui les protègent des retombées coûteuses des catastrophes naturelles telles que les ouragans. Dans les États tropicaux côtiers et les petites États insulaires, ces événements se produisent désormais plus régulièrement et acquièrent un caractère plus extrême. De ce fait, l’incapacité du gouvernement du Belize à honorer les paiements de ses super-obligations antérieures est en partie due aux chocs économiques provoqués par les tempêtes tropicales.

L’obligation bleue du Belize a été la première euro-obligation souveraine à être proposée avec ce que l’on appelle une « assurance paramétrique », c’est-à-dire une police d’assurance liée à des mesures climatiques spécifiques. Si les valeurs atteignent un certain seuil (c’est-à-dire le degré de gravité d’un ouragan), la police d’assurance couvrira les coûts que le Belize devra assumer pour honorer le paiement des taux d’intérêt aux détenteurs d’obligations. En théorie, cela permettra au gouvernement du Belize de donner la priorité aux dépenses intérieures pour faire face aux impacts de la catastrophe plutôt que de rediriger les fonds au profit des investisseurs étrangers.

La police d’assurance climatique de l’obligation bleue du Belize a été émise par le réassureur allemand Munich Re et a été conçue par Wills Tower Watson, une société d’assurance anglo-américaine détenue en majorité par Elliott Management, l’un des plus grands fonds spéculatifs du monde, et aussi l’un des plus grands « fonds vautours » existants.

L’assurance climatique associée à l’obligation bleue du Belize a une durée de validité de 30 mois. Son renouvellement sera ensuite étudié en appliquant des conditions différentes. Toutefois, le contrat n’est pas publié et aucune information n’est disponible sur les coûts que cette assurance implique pour le Belize. Il semblerait que cette assurance climatique ait joué un rôle essentiel dans le succès de l’obligation bleue du Belize, et qu’elle constitue un facteur qui change véritablement la donne, encourageant d’autres pays en développement à solliciter des capitaux sur le marché des euro-obligations.

Le Belize s'est vu vendre une coûteuse assurance "climatique" privée pour se protéger contre les défauts de paiement de ses obligations bleues en cas d'événements catastrophiques causés par la crise climatique. Mais les pays pauvres ne devraient pas verser de l'argent à des compagnies d'assurance privées en cas de catastrophe climatique. Ils devraient plutôt être indemnisés par les riches pays industrialisés qui sont à l'origine de la crise climatique. Photo: Canva Pro.

Ces polices d’assurance climatique comportent plusieurs risques pour les pays en développement. Bien que ces accords semblent prudents, offrant un certain degré de protection économique aux gouvernements contre les catastrophes climatiques, il s’agit inévitablement d’accords qui favorisent les compagnies d’assurance, lesquelles sont bien connues pour préférer garder leurs fonds plutôt que de payer. La générosité de cette police d’assurance révélera sa véritable nature lorsque le prochain ouragan frappera les Caraïbes. En outre, ce genre d’innovation de la part du secteur privé de l’assurance pourrait compromettre l’aide bilatérale (comme celle des États-Unis) aux pays en développement victimes de catastrophes climatiques.

D. LE DIVIDENDE ENVIRONNEMENTAL

Les conditions environnementales auxquelles est assujettie l’obligation bleue sont définies dans un accord confidentiel signé entre le gouvernement du Belize et la BBIC, bien que TNC ait publié sur son site Web un projet d’annexe de cet accord fournissant des informations succinctes. L’accord est organisé en trois clauses principales. Les deux premières clauses sont accompagnées de pénalités financières en cas de non-respect, tandis que la troisième ne l’est pas.

Clause 1 : Le plan d’aménagement de l’espace marin

Cette clause prévoit l’obligation de promulguer des lois visant à faire passer de 15,9 % à 30 % le pourcentage des aires marines du Belize désignées comme aires protégées. L’accord stipule qu’au moins la moitié de ces aires doit être désignée comme « aires de haute protection de la biodiversité » et l’autre moitié comme « aires de protection moyenne ». La définition de ces catégories n’est pas fournie.

L’accord fait référence au document « Application des catégories de gestion aux aires protégées : lignes directrices pour les aires marines ». Ces lignes directrices ont été publiées par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) en 2019. Elles ne font pas référence aux catégories d’aire de biodiversité à protection élevée ou moyenne. Elles établissent au lieu de cela 7 catégories de différents types d’aires protégées, qui se distinguent par le degré d’autorisation des activités humaines dans ces aires.

L’accord de TNC exige également que le gouvernement du Belize applique les meilleures pratiques internationales lors de la création d’aires marines protégées. Ces pratiques englobent le respect de la transparence et des processus participatifs.

Le gouvernement du Belize doit ainsi atteindre quatre jalons sur une période de huit ans : le premier consiste à déclarer légalement 20,5 % de ses zones marines comme zones protégées, le second à créer un groupe multipartite composé d’organisations du gouvernement, de l’industrie et d’ONG, dont TNC, afin de développer un plan d’aménagement de l’espace marin. La classification officielle de 30 % des aires marines en aires marines protégées est prévue pour 2026. Des plans de gestion détaillés sur le mode de gouvernance de ces aires et les activités qui y seront autorisées sont prévus pour 2029.

Clause 2 : trois autres jalons de la conservation

  • Six mois après l’accord, le gouvernement doit adopter une loi désignant toutes les terres publiques restantes adjacentes à la barrière de corail du Belize comme « réserves de mangrove exclusives », interdisant également la vente de toute terre dans cette zone ;

  • Au plus tard quatre ans après l’accord, le gouvernement doit adopter une nouvelle loi sur la gestion intégrée des zones côtières, qui doit inclure un chapitre sur les compensations de la biodiversité marine et côtière. Il s’agit d’un système de marché qui permet à des tiers (tels que des compagnies minières) d’utiliser les coûts de conservation de la biodiversité côtière et marine pour compenser la destruction de la biodiversité côtière et marine dans d’autres régions géographiques ; et

  • Au plus tard six ans après l’accord, le Belize demandera à l’UICN d’inscrire trois aires marines protégées sur la « liste verte ».

Clause 3 : Engagements généraux en faveur de la conservation 

Il existe sept engagements supplémentaires pour lesquels aucune pénalité financière n’est fixée :

  • Développer un secteur de l’aquaculture et de la mariculture durable à haute valeur ajoutée, en conformité avec les meilleures pratiques internationales ;

  • Améliorer la gouvernance de la pêche en respectant les accords internationaux et les directives volontaires sur la pêche responsable ;

  • Développer un cadre réglementaire national pour les projets de carbone bleu, notamment une législation permettant d’accorder la propriété privée du carbone bleu à des investisseurs ou à des propriétaires fonciers privés ;

  • Mettre en œuvre une évaluation indépendante du « Programme d’accès géré » du pays, un programme mis en œuvre au Belize depuis 2015 en partenariat avec TNC, la World Conservation Society (WCS) et l’Environmental Defence Fund (qui sont toutes des organisations de conservation américaines). Ce programme a créé des licences de pêche privées pour les pêcheries artisanales du Belize, en remplacement du droit « de libre accès » à la pêche pour les citoyens ;

  • Améliorer les réglementations sur les évaluations d’impact environnemental pour les océans ;

  • Respecter les normes minimales de développement des sites du patrimoine mondial ; et

  • Entreprendre 2 « plans de gestion des bassins hydrographiques » afin de contrôler la qualité de l’eau et la pollution marine.

Bien que des sanctions soient prévues en cas de non-respect des jalons prévus par les clauses 1 et 2 de l’accord, elles ne sont pas rendues publiques. Toutefois, le Premier ministre du Belize a déclaré dans sa déclaration au Parlement qu’en cas de non-respect d’un jalon, le gouvernement devra acquitter à la BBIC une somme de 250 000 de dollars, plus 50 000 de dollars supplémentaires pour chacun des jalons non atteints. L’usage qui sera ensuite fait de ces fonds n’est pas précisé.

Partie 2 : Un rappel historique des échanges dette–océan de TNC

De nombreux rapports sur les échanges dette-océan de TNC expliquent qu’ils ne font que reproduire des accords utilisés depuis des décennies et se fondent donc sur un modèle reconnu et fiable. Cependant, les accords négociés aujourd’hui par TNC ont une toute autre ampleur que leurs prédécesseurs, et leur structure est différente. Un bref historique des échanges de dette est nécessaire pour apprécier ces changements.

DES ÉCHANGES DE CRÉANCES CONTRE DES ACTIFS AUX ÉCHANGES DETTE-NATURE

L’échange dette-nature, proposé pour la première fois par le WWF en 1984, s’est concrétisé par un tout premier accord en 1987, entre Conservation International et le gouvernement de Bolivie. Pendant une décennie, plusieurs organisations de conservation de la nature des États-Unis et d’Europe les ont utilisés pour lancer des projets environnementaux dans les pays en développement, principalement en Amérique latine, mais aussi en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est.

Les échanges dette-nature s’inspiraient des « échanges de créances contre des actifs », dont ils dépendaient. Les échanges de créances contre des actifs avaient été lancés par des conseillers auprès des gouvernements de pays en développement (en particulier le Chili) et des banques étrangères au début des années 1980. Ils étaient considérés comme un moyen de sauver les banques et les pays en développement de la crise mondiale de la dette. Dans un échange de créances contre actifs, les banques occidentales vendent avec décote une partie des prêts dus par des pays en développement à un investisseur étranger. Il en a résulté l’apparition d’un marché secondaire de la dette, la dette de certains pays n’étant vendue qu’à 5 % de sa valeur nominale. La vente de la dette nécessitait l’accord du pays débiteur, qui récompensait l’investisseur étranger en lui versant l’équivalent de la valeur nominale de la dette sous la forme d’une participation dans une industrie locale nationale ou en devise locale à consacrer à des achats d’actifs dans le pays.

Cette solution était considérée comme une formule triplement gagnante : Les banques étrangères se faisaient payer une partie de leurs dettes que les pays en développement ne pouvaient pas rembourser. Les investisseurs étrangers bénéficiaient d’un accord bon marché leur permettent d’acquérir des intérêts commerciaux dans les pays en développement. Les gouvernements des pays en développement transformaient les paiements qu’ils devaient normalement effectuer en devises étrangères en paiements en devises locales, bénéfiques pour leurs économies nationales. Toutefois, ces échanges ont prêté à controverse car ils ont permis l’accélération de la privatisation dans les pays en développement. En outre, ils ont offert aux investisseurs étrangers des opportunités commerciales à des prix dérisoires, sans aucune preuve que cette situation ait débouché sur une augmentation des investissements directs étrangers.

Les échanges dette-nature doivent leur origine à la crise mondiale de la dette, causée par les emprunts inconsidérés de pétrodollars par les banques américaines et européennes qui ont provoqué la crise mondiale de la dette des années 1980. Photo: Unsplash.

Les organisations américaines de conservation de la nature ont compris que les pays en développement disposaient d’autres actifs de valeur qu’ils pouvaient échanger contre des prêts bancaires étrangers : leurs forêts et leur faune. Elles ont donc commencé à acheter des dettes avec décote auprès de banques américaines et européennes, à la condition que le pays débiteur les récompense par des projets de protection de la nature d’une valeur équivalente à celle de la dette initiale. Le plus souvent, le paiement était effectué en numéraire, les ONG utilisant ensuite ces sommes pour investir dans des projets de conservation de la nature dans le pays concerné. Ces paiements prenaient la forme d’une obligation en devise locale et étaient donc étalés sur de nombreuses années.

À la fin des années 1980 et dans les années 1990, la plupart des échanges concernaient les dettes commerciales. Cependant, les donateurs bilatéraux ont également commencé à s’intéresser aux échanges de dettes. Des donateurs tels que les États-Unis et l’Allemagne ont proposé aux pays en développement la possibilité d’effacer une partie de leurs prêts en effectuant un paiement initial, à condition que les paiements annulés soient consacrés à la conservation de la nature. Certains donateurs attendaient des pays en développement qu'ils utilisent 100 % de l'argent dû pour les dépenses locales, tandis que d'autres demandaient une proportion plus modeste. Les accords les plus généreux combinaient donc des échanges de dette avec annulation de dette.

Les échanges de dette bilatéraux ont également permis aux organisations de conservation de la nature de subventionner ces accords, contribuant ainsi au rachat de prêts bilatéraux, à condition de recevoir des paiements en devise locale destinés à des projets de protection de la nature. D’autres organisations ont créé des échanges dette-santé, dette-éducation, et ainsi de suite.

Les échanges de dettes commerciales financés par les ONG de conservation se sont taris vers le milieu ou la fin des années 1990. Cette situation était due des changements des règles fiscales et comptables des banques, et à des politiques internationales qui restructuraient la dette différemment, notamment le plan Brady aux États-Unis, qui permettait aux pays débiteurs de restructurer plusieurs prêts bancaires en une seule obligation garantie par les États-Unis. Ces changements privaient les organisations de conservation d’un accès facile à un marché de dettes avec décote. Seuls les échanges de dettes bilatéraux se sont perpétués, les États-Unis étant le principal pays donateur à utiliser ces accords, bien que d’autres y aient eu recours occasionnellement. Par exemple, en 2008, le WWF a négocié un échange de dette entre la France et Madagascar. La France et la Russie ont également fait bénéficier le Mozambique d’échanges de dettes en 2015, avec une dimension affectée à la conservation.

LA FINANCIARISATION DES ÉCHANGES DETTE-NATURE

L’échange dette-nature de TNC au Belize est le premier échange commercial depuis les années 1990. Toutefois, il s’agit d’une nouvelle forme d’échange, ce qui démontre une sophistication croissante dans la conception de ces accords, qui sont en partie conditionnés par les changements dans les méthodes de levée de fonds par les pays en développement sur les marchés financiers internationaux. L’innovation la plus importante, dont l’exemple pionnier en la matière est celui des Seychelles, réside dans la manière dont ils sont financés.

Auparavant, les organisations de conservation achetaient des dettes avec leurs propres fonds, provenant de subventions caritatives. L’avantage était qu’elles pouvaient dépenser par exemple 100 000 dollars pour obtenir l’équivalent d’un million de dollars en monnaie locale à consacrer à un projet de conservation. Toutefois, les échanges de dettes sont désormais financés par des « investisseurs d’impact », c’est-à-dire des individus ou des institutions privées qui apportent les fonds dans l’espoir de recevoir un bénéfice en retour. C’est ce qui rend les échanges de dettes pertinents pour le financement de la conservation : le partenariat entre les banques d’investissement et les fonds spéculatifs en vue de rentabiliser la conservation de la nature.

Dans le passé, les grandes organisations internationales de conservation finançaient les échanges de dettes avec leurs propres fonds. Aujourd'hui, TNC collecte des fonds pour ces opérations auprès d'investisseurs internationaux. Cela signifie qu'ils peuvent acheter beaucoup plus de dettes des pays en développement, et les risques de ces transactions augmentent. Photo: Noah Buscher.

Par conséquent, TNC emprunte de l’argent pour financer ses échanges de dette-océan, et les gouvernements débiteurs sont tenus de rembourser ces prêts, avec des intérêts. TNC ne rachète pas de la dette, mais agit en tant que fournisseur de services financiers. Quant aux gouvernements des pays en développement, ils ne se contentent pas d’échanger une dette étrangère contre des paiements en devise locale, mais remboursent en réalité des prêts étrangers pour racheter la dette.

La conséquence de cette approche est que TNC peut opérer à une échelle beaucoup plus vaste. Avant l’accord avec les Seychelles, 47 échanges différents de dette-nature payés par des organisations de conservation représentaient pour elles une dépense nette totale de 42,5 millions de dollars, ce qui leur a permis d’acheter la dette de pays en développement pour une valeur combinée de 326 millions de dollars. Au Belize, TNC a emprunté de l’argent pour permettre au pays de refinancer en une seule fois une dette d’une valeur de 533 millions de dollars. Et comme ces nouveaux échanges de dette sont conçus pour générer des bénéfices, ils ont le potentiel de devenir une importante source de revenus pour les organisations de conservation. Aux Seychelles, TNC a gagné 2,5 millions de dollars en finançant une transaction d’un peu plus de 20 millions de dollars.

Partie 3 : Les controverses sur les échanges de dette

Selon la plupart des organisations internationales travaillant dans l’économie bleue, les échanges de dette sont des accords positifs qui génèrent des fonds essentiels pour sauver les océans, tout en réduisant simultanément le fardeau de la dette des pays en développement. Cependant, cet enthousiasme néglige la controverse suscitée par les échanges de dette par le passé. Dans la période précédant le premier Sommet de la Terre en 1992, un grand nombre d’organisations, y compris celles représentant les peuples autochtones et les petits agriculteurs, ont dénoncé catégoriquement les échanges de dette. Ces accords ont été critiqués par les économistes traditionnels, y compris ceux de la Banque mondiale. En 1991, ils ont également fait l’objet d’une étude par le gouvernement américain qui les a jugés décevants, car ils profitaient davantage aux banques américaines qu’aux pays en développement. Néanmoins, aucune de ces publications sur les échanges de dette ne figure dans les rapports élogieux d’aujourd’hui.

Ces critiques restent valables en ce qui concerne les nouveaux accords par TNC. Cependant, la manière dont ces accords ont évolué à l’ère de la financiarisation fait qu’ils sont encore plus controversés que leurs prédécesseurs. Les pages suivantes abordent 5 grands enjeux.

1. TRANSPARENCE

Les échanges de dette-océan de TNC suscitent des inquiétudes quant à leur manque de transparence. C’est une caractéristique inhérente à ce type d’accords financiers, car les rachats de dettes sont toujours négociés avec un haut degré de confidentialité. Les parties prenantes dans ces négociations craignent en effet de divulguer prématurément des informations qui pourraient avoir des effets imprévisibles sur les autres créanciers et sur les marchés financiers. Il est donc impossible pour le public, ou le parlement, d’examiner ces accords avant qu’ils ne soient finalisés. Ils ne sont jamais soumis à un consentement préalable et informé des citoyens.

Ainsi, alors même que TNC insiste pour que le gouvernement du Belize applique les meilleures pratiques internationales en matière de création d’aire marine protégée, ce qui implique des notions de transparence et de participation, TNC ne peut pas elle-même respecter ces principes dans son approche d’échange dette-océan. L’engagement légal du gouvernement portant sur la création d’une une immense aire marine protégée est couvert par un accord confidentiel, hors de tout débat public.

Cependant, même si TNC souhaitait annoncer publiquement ses éventuels projets de négociations d’échange de dette dans un pays spécifique, il serait impossible de connaître le résultat de l’accord avant qu’il ne soit finalisé. Les rapports publiés après la finalisation de l’échange de la dette des Seychelles révèlent que TNC avait à l’origine approché le Club de Paris des donateurs pour un accord d’une valeur de 80 millions de dollars avec une décote de 25 %, réussissant finalement à obtenir un échange de dette d’une valeur de 21 millions de dollars avec une décote de seulement 6,5 %.

Un manque de transparence entoure également les détails de ces accords, même après leur conclusion. Au Belize, le contrat légal entre la Belize Blue Investment Company et le gouvernement du Belize n’a pas été publié. De plus, TNC n’a publié qu’un « projet » d’annexe à l’accord qui définit les obligations environnementales du gouvernement du Belize. Le texte des sanctions en cas de non-respect de l’accord n’est pas public. La police d’assurance de l’obligation bleue n’est pas non plus disponible.

2. L’ILLUSION DE LA GÉNÉROSITÉ

Les défenseurs des échanges de dettes les décrivent comme créant un afflux de richesses des gouvernements, banques ou investisseurs de l’hémisphère Nord vers les pays en développement. La source de ce transfert de richesse provient du fait que les propriétaires de la dette acceptent de vendre leurs actifs financiers à des organisations de conservation avec une décote. Les économies ainsi générées sont ensuite transformées en dépenses supplémentaires dédiées à la conservation. Cependant, quelle est la réelle générosité des créanciers signataires de ces accords et qu’ont-ils sacrifié exactement ?

Le sacrifice consenti par les créanciers n’est souvent pas aussi important qu’on le dit. Dans tout échange de dette, il est dans l’intérêt financier des créanciers de vendre des dettes avec décote afin de recevoir à l’avance une somme forfaitaire pour des dettes dont l’avenir est incertain. C’est la raison pour laquelle les échanges de créances sont florissants en période de crise de la dette, lorsque les créanciers sont disposés à vendre les mauvaises créances avant que la situation n’empire.

Dans le cas du Belize, les propriétaires de la « super-obligation » ont rapidement accepté l’offre de rachat, car les prévisions économiques du pays étaient très sombres. De nombreux médias ont considéré à tort que la totalité de la réduction de la dette constituait la somme apportée par les donateurs, alors que des rapports internes de l’accord ont affirmé que la composante « bleue » de l’accord réduisait tout au plus le montant du rachat d’environ 5 %, soit environ 24 millions de dollars. Il est en effet peu probable que des créanciers privés fassent un don désintéressé pour une cause charitable, étant tenus de maximiser les revenus pour leurs clients.

Les échanges de créances se développent en période de crise de la dette, car il est dans l'intérêt financier des créanciers de recevoir une somme forfaitaire à l'avance pour des créances dont l'avenir est incertain. Photo: Aditya Vyas.

Pour calculer le sacrifice réel, d’autres facteurs entrent en jeu : le prêt de TNC au gouvernement du Belize comprenait 18 millions de dollars visant à intéresser de nouveaux investisseurs à son obligation bleue. Certains des détenteurs d’obligations initiaux ont peut-être accepté une décote sur une obligation, mais ont obtenu un avantage gratuit pour la suivante, qui est plus attrayante car elle s’assortit d’une garantie du gouvernement américain. En outre, même si l’échange de dette a permis au Belize d’économiser 24 millions de dollars grâce aux engagements en faveur de la conservation marine, les nouvelles obligations bleues ont coûté au pays 18 millions de dollars supplémentaires au titre de l’escompte d’émission initial. Résultat : une annulation des économies réalisées, ne laissant que 6 millions de dollars. L’accord ne présente que des avantages marginaux pour la réduction des obligations de la dette du pays, car il lie le rachat de la dette à des engagements en faveur de la conservation marine.

Autre facteur qui opacifie encore davantage la portée des sacrifices consentis par les détenteurs d’obligations : ces derniers disposent d’instruments qui leur permettent de récupérer leurs pertes apparentes, en reportant les coûts sur d’autres personnes. Par le passé, lorsque les banques vendaient de la dette avec une décote dans le cadre d’échanges, elles pouvaient récupérer leurs pertes via leurs obligations fiscales. Aux États-Unis, la loi fiscale fédérale autorisait explicitement cette manœuvre. Cependant, des modifications de la législation fiscale ont fini par l’interdire : c’est l’une des raisons pour lesquelles les banques commerciales ont fini par se désintéresser de la vente de dettes aux organisations de conservation. La réalité est que par le passé, la plupart des échanges de dettes commerciales étaient subventionnés par les citoyens des pays d’origine des banques.

Les propriétaires d’euro-obligations pourraient-ils compenser leurs pertes en négociant des rachats avec décote, notamment lorsque ces opérations sont censées soutenir une cause juste ? Cela dépend de l’interprétation des lois fiscales et comptables de la juridiction des propriétaires des obligations. Cependant, il ne fait aucun doute que les investisseurs chercheront des moyens innovants de compenser leurs pertes. Il existe plusieurs propositions de solutions permettant aux gouvernements de compenser leurs sacrifices apparents. L’une d’entre elles, notamment, consiste à échanger les paiements d’une dette à laquelle ils ont renoncé dans le cadre d’échanges dette-climat et dette-nature contre une valeur équivalente en compensations carbone.

Le cas des échanges de dettes bilatéraux

La question de la générosité est également pertinente dans les échanges de dette impliquant une aide bilatérale, par opposition aux prêts commerciaux. Les donateurs ont toujours déclaré la valeur nominale des échanges de dette comme une subvention d’aide au développement. Pour les donateurs qui plafonnent leurs dépenses d’aide - ce qui est le cas de la plupart d’entre eux – les fonds utilisés dans les échanges de dette sont comptabilisés comme faisant partie de leur engagement d’aide annuel. Ils ne soustraient pas non plus de leur budget d’aide les remboursements perçus dans le cadre des échanges de dette. Le résultat global est qu’aucun transfert de richesse n’a lieu et que, de ce fait, les échanges de dettes servent à gonfler artificiellement l’aide déclarée par les donateurs. Les échanges de dette ont donc pour effet de réduire le montant de l’aide aux pays en développement, et non de l’augmenter.

C’est une constatation flagrante dans l’échange de dette-océan des Seychelles. Les médias ont régulièrement décrit cet accord comme une décision généreuse des donateurs étrangers, annulant des millions de dollars de dette des Seychelles pour la remplacer par des remboursements d’une aide en faveur de la conservation de sa biodiversité marine. La réalité est que les donateurs n’ont pas effacé la dette, mais l’ont vendue. Ils ont accepté de vendre 21 millions de dollars avec une décote de seulement 6,5 %. Il s’agissait de l’une des décotes les moins généreuses jamais obtenues dans le cadre d’un échange dette-nature impliquant une aide bilatérale. En outre, dans le cadre de l’échange de dette, les remboursements de dette annulés ont été déclarés comme une subvention par les donateurs auprès de l’OCDE. Pour cette raison, l’accord n’a rien coûté aux donateurs et a augmenté artificiellement leurs rapports sur l’aide accordée.

En 2011, une authentique annulation de dette a permis d’effacer 70 millions de dollars de dettes impayées par les Seychelles dans le cadre d’un accord de restructuration conclu avec le FMI. Par comparaison, l’échange dette-océan de 2015 a permis d’alléger la dette des Seychelles de seulement 1,5 million de dollars, montant qui ne justifiait pas le déluge d’éloges médiatiques dont ont bénéficié les donateurs.

3. LES ÉCHANGES DE DETTE, FAUSSE SOLUTION À UNE CRISE DE LA DETTE

Les échanges de dettes bénéficient d’un soutien politique : ils sont présentés comme bénéfiques pour les pays en développement parce qu’ils réduisent les obligations de la dette extérieure. Cependant, étant donné le manque de sacrifice évident de la part des créanciers, la contribution réelle des échanges de dette à la réduction des obligations de dette des pays en développement est probablement exagérée.

Dans le cadre d’un échange de dette, les paiements auxquels les créanciers étrangers renoncent sont généralement transférés vers une autre obligation de dette. Les dettes sont simplement déplacées. Ce système peut être bénéfique pour les pays en développement si le résultat est de réduire les niveaux globaux de la dette. Il l’est également si le but est de transférer la dette due en devises étrangères à des créanciers étrangers, lesquels ne dépensent pas dans le pays, en dettes dues en devise locale à des organisations nationales qui, elles, dépensent dans le pays.

Dans les récents accords conclus au Belize et aux Seychelles, les deux gouvernements se sont engagés à payer l’intégralité du montant engagé par TNC pour acheter la dette. Dans le cas du Belize, l’obligation bleue créée pour le Belize pour racheter la dette ne représentait qu’une partie du prêt. Une somme supplémentaire de 28 millions de dollars a été adjointe au prêt pour les paiements aux organisations financières privées achetant la nouvelle obligation bleue (y compris le fonds de réserve), ce à quoi se sont ajoutés 10 millions de dollars de frais juridiques. Le tout a été complété par une somme supplémentaire de 24 millions de dollars pour le versement d’argent au Fonds marin national. Le Belize a donc accepté un prêt supérieur de plus de 60 millions de dollars à la valeur de la dette avec décote achetée par TNC.

Les échanges de dettes pourraient profiter aux pays en développement s'ils réduisent la dette nationale ou s'ils transfèrent des dettes étrangères en dettes locales. Cependant, les accords avec TNC ne réduisent pas la dette globale des pays en développement et ils obligent les gouvernements à rembourser les prêts à TNC en devises étrangères. Ils n'aident pas les pays à échapper à une crise de la dette. Photo: Daniel Roth.

En outre, les prêts accordés par TNC aux Seychelles et au Belize se transforment en nouvelles dettes dues par les gouvernements, avec des taux d’intérêt élevés, et exprimées en devises étrangères. L’une de ces dettes correspond aux fonds à rembourser à TNC, l’autre les dettes dues aux nouveau Fonds marins.

Plus inquiétant encore, ces accords peuvent avoir des effets négatifs sur l’amélioration des politiques de gestion de la crise de la dette. EURODAD (European Network on Debt and Development), l’une des principales organisations mondiales en matière d’équité de la dette, désigne l’opération au Belize comme un « accord désastreux ». Le Belize aura le plus grand mal à assurer le service de son obligation bleue, comme cela a déjà été le cas pour ses obligations précédentes. Cependant, la crise de longue date de la dette du Belize exige une réponse coordonnée de tous les créanciers pour avoir une chance de trouver une issue. Cette action doit faire appel à une annulation de la dette lorsque cela est nécessaire, et s’accompagner d’initiatives permettant d’augmenter les sources de revenus plus durables pour le Belize. Une telle démarche implique de convaincre les gouvernements de ne pas recourir de nouveau à des emprunts inconsidérés. Mais avec le refinancement de l’euro-obligation, une opportunité mieux coordonnée et plus durable de restructuration de la dette a peut-être été perdue.

Un écoblanchiment de dettes odieuses ?

Les échanges de dettes prêtent également à controverse lorsque l’on examine l’origine des dettes échangées. Dans les années 1980, une grande partie de la crise de la dette a résulté de l’avidité des banquiers et des élites gouvernementales qui cherchaient à recycler les pétrodollars issus du conflit pétrolier au Moyen-Orient. Dans ce contexte, les échanges dette-nature très médiatisés ont non seulement permis aux créanciers d’obtenir des fonds pour des dettes potentiellement illégitimes, mais ils leur ont également apporté une précieuse légitimité politique, sous la forme de l’écoblanchiment.

Le même argument est valable pour les échanges dette-océan. Aux Seychelles, parmi les donateurs du Club de Paris félicités pour avoir échangé des dettes pour le financement de la conservation marine figure la France, qui a prêté aux Seychelles en vue de développer la pêche industrielle. Il s’agit en fait d’une aide au développement qui profite directement aux entreprises de pêche françaises et contribue à la dégradation des écosystèmes marins.

Au Belize, TNC a maintenant entrepris d’acheter des dettes en euro-obligations. L’escalade de la dette des pays en développement au cours de la dernière décennie, par le biais des euro-obligations, est due à des pratiques bancaires contraires à l’éthique et largement répandues, ainsi qu’à des emprunts inconsidérés, émanant souvent de gouvernements qui ont levé ces fonds sans transparence ni redevabilité. Il est problématique que les défenseurs de la nature paient les créanciers pour obtenir des fonds pour la conservation.

Cet écoblanchiment de dettes illégitimes fera naître des controverses dans d’autres pays : l’échange dette-océan de TNC au Kenya, par exemple, impliquera nécessairement le refinancement des prêts commerciaux contractés par le gouvernement kenyan, qui comprennent des euro-obligations successives à hauteur de plusieurs milliards. Ces emprunts ont été contractés sans débat parlementaire et l’utilisation des recettes n’a pas été entièrement détaillée.

Des échanges dette-nature très médiatisés peuvent légitimer des dettes odieuses. Les banques d'investissement qui s'associent à ces opérations sont souvent les mêmes que celles qui accordent des prêts illégitimes aux pays en développement et qui sont à l'origine de la crise de la dette. Photo: Ehud Neuhaus.

Les conflits d’intérêts renforcent également l’aspect non éthique des échanges de dettes. Les banques d’investissement partenaires de TNC sont les mêmes que celles qui sont responsables du dispositif des euro-obligations pour les pays en développement. Au Belize, TNC travaille avec le Crédit Suisse, banque au cœur du scandale des euro-obligations du Mozambique, où 2 milliards de dollars ont été levés pour lancer une société nationale de pêche thonière et renforcer la sécurité maritime. Le Crédit Suisse est encensé d’un côté pour avoir créé une obligation bleue visant à sauver les écosystèmes marins, mais de l’autre, il est au centre de l’un des plus grands scandales de corruption jamais observés en Afrique et axé sur une obligation bleue, responsable d’une crise de la dette qui a appauvri des millions de personnes.

4. DES MENACES POUR LA SOUVERAINETÉ ET LA DÉMOCRATIE

Les échanges dette-nature menacent la souveraineté nationale car ils transfèrent un pouvoir considérable en matière de gouvernance de vastes zones terrestres ou marines dans les pays en développement à des organisations de conservation étrangères. Dans les années 1980 et 1990, la mauvaise publicité faite aux échanges de dettes était due au fait que la gestion des zones protégées a été confiée à des ONG étrangères, sans aucune reconnaissance des droits coutumiers détenus par les communautés locales.

Les organisations de conservation ont répondu en argumentant qu’elles recevaient rarement des droits sur les aires protégées dans le cadre de ces accords. C’est le cas des échanges dette-océan de TNC. En outre, les échanges de dettes permettent généralement de canaliser des fonds en faveur d’ONG locales pour mettre en œuvre des projets environnementaux. TNC demande également aux gouvernements nationaux d’établir un processus multipartite pour le développement des aires marines protégées, qui vise à impliquer des groupes habituellement marginalisés, notamment la pêche artisanale. Cette démarche peut être positive, notamment dans les pays où les gouvernements sont réticents à la participation de la société civile.

Il y a toutefois des raisons de s’inquiéter de ces accords du point de vue de la participation démocratique. Bien que TNC s’associe à des ONG locales et favorise les processus participatifs, elle finit néanmoins par occuper une position dominante dans les débats politiques nationaux sur la gestion des ressources marines. Le contrat de l’obligation bleue du Belize n’engage pas seulement le gouvernement à élargir les aires marines protégées, mais englobe également un large éventail d’autres politiques nationales. On peut ainsi citer une nouvelle législation sur les droits de propriété des citoyens sur les terres côtières et le lancement de politiques controversées sur le commerce du carbone et les projets de compensation marine.

Que l’on soit d’accord ou non avec ces politiques, le problème est qu’une organisation étrangère dicte des décisions politiques à long terme à un pays en développement, grâce à sa puissance en tant que fournisseur de services financiers, et en l’absence d’un débat public nécessaire. Un tel état de fait sape la démocratie et la force politique des mouvements sociaux dans les pays en développement.

En outre, TNC pose comme condition contractuelle à l’obtention du prêt sa revendication à occuper un poste au sein du comité directeur national multipartite chargé d’élaborer les plans de gestion. Pour respecter le principe de la gouvernance démocratique, TNC devrait supprimer cette obligation et permettre aux parties prenantes nationales de décider elles-mêmes de la composition des organes représentatifs.

TNC utilise les échanges de dettes pour obtenir une position dominante dans la politique marine nationale, mais cela soulève de sérieuses inquiétudes pour la souveraineté nationale et la capacité des pêcheries locales artisanales à déterminer les politiques nationales de pêche. Photo: Briona Baker.

Cette question doit être replacée dans une perspective plus large. En effet, TNC est la plus grande organisation de conservation au monde. Ses actifs et ses revenus annuels dépassent ceux de nombreux petits États côtiers et insulaires où elle opère et se propose de mettre en œuvre des échanges de dettes. Elle est dirigée par d’anciens banquiers d’investissements et des consultants, et son conseil d’administration se compose de plusieurs des plus grands fonds spéculatifs et banques d’investissement de la planète. Si son plan audacieux réussit, TNC obtiendra des pouvoirs sans précédent pour une ONG sur les politiques nationales de dizaines de pays à travers le monde, et se dotera d’une position dominante sur les processus nationaux multipartites.

Cette perspective élargie soulève également des inquiétudes concernant les conflits d’intérêts. Les organisations étrangères de conservation de la nature peuvent exploiter le pouvoir que leur confère l’échange de dette pour promouvoir les intérêts de leurs partenaires et donateurs du secteur privé. Ce risque est plausible, étant donné la dépendance des organisations de conservation vis-à-vis du secteur privé. Par le passé, les organisations de conservation de la nature se sont appuyées sur les échanges de dettes pour signer des accords avec des entreprises de leur pays d’origine afin d’entreprendre des activités de bioprospection. De même, les échanges dette-océan pourraient être des accords propices aux opportunités d’investissement privé dans les pays en développement : aquaculture commerciale, écotourisme, compensations nature et projets d’échange des droits d'émission de carbone.

Des considérations géopolitiques ?

Ces accords peuvent être assortis de conditions supplémentaires. La législation américaine sur les échanges de dettes bilatéraux, telle qu’elle est définie dans sa loi sur la conservation des forêts tropicales (Tropical Forest Conservation Act), établit certains critères que les pays en développement doivent remplir pour être éligibles. Parmi ces critères, citons des dispositions favorables aux objectifs de la politique étrangère américaine, notamment la mise en œuvre de politiques de libre-échange et la conclusion d’un accord commercial de libre-échange avec les États-Unis, ou encore l’appui du pays aux opérations militaires américaines dans la lutte contre les narco-trafiquants.

L’augmentation du soutien financier apporté par les États-Unis, par le biais du rachat de dettes dans les pays en développement, soulève la question d’une motivation au service d’intérêts géopolitiques élargis. Le DFC américain a ainsi été critiqué pour son obsession à financer des projets qui l’aident à faire face à la position dominante de la Chine dans les pays en développement. Les échanges de dettes peuvent servir à promouvoir d’autres agendas politiques, et ne cherchent pas simplement à sauver la planète.

5. L’ÉCHANGE DE DETTE, FAUSSE SOLUTION DE CONSERVATION DE LA NATURE

Dans les médias, les échanges dette-océan ont été présentés comme une solution pour sauver la biodiversité marine. C’est oublier qu’ils se sont souvent révélés être des initiatives infructueuses pour la conservation de la biodiversité. Il y a à cela trois arguments principaux.

Le syndrome du « parc sur le papier »

Les gouvernements acceptent des engagements ambitieux en matière d’environnement afin de conclure les accords, mais ces engagements ont des intérêts financiers à court terme et bénéficient d’un effet de publicité. Nombreux sont les exemples de gouvernements qui se sont engagés publiquement à élargir ou à renforcer les aires protégées, mais qui y ont ensuite autorisé des industries extractives. Ils créent ainsi ce que l’on appelle des « parcs sur le papier ». Depuis la conclusion de l’échange de dette aux Seychelles, il est préoccupant de constater que le gouvernement reste en droit d’autoriser l’exploration des gisements de pétrole et de gaz offshore, et de développer l’aquaculture industrielle.

L’accord de TNC avec le Belize tente de limiter ce problème en introduisant des pénalités financières en cas de non-respect de l’accord. Il s’agit d’une mesure sans précédent : les gouvernements nationaux n’ont jamais consenti à verser des fonds à une ONG étrangère en cas de promesses non tenues en matière d’environnement. La question est de savoir comment une telle mesure sera appliquée, en particulier si un nouveau gouvernement est élu et dénonce l’accord.

Des fonds insuffisants ?

Les échanges de dettes ne génèrent pas autant de fonds pour les dépenses de conservation que le prétendent leurs défenseurs. Le problème réside en partie dans la « fongibilité ». Si des fonds sont affectés à des dépenses de conservation par le biais d’un échange de dette, on suppose généralement que ces fonds seront versés en sus des dépenses du gouvernement hôte au profit de la conservation. Cependant, en général, lorsque des gouvernements se sont engagés à dépenser les fonds obtenus via un échange de dette contre des projets environnementaux, ils réduisent le financement public de la conservation. Ce n’est pas nécessairement un problème, mais cela signifie que les échanges de dettes risquent de ne pas fournir de financement supplémentaire pour la conservation marine. Bien que la fongibilité soit un risque bien connu des échanges de dettes, peu de mesures sont mises en œuvre pour le contrôler.

De plus, les échanges de dettes conduisant les gouvernements à émettre des obligations à long terme pour financer la conservation, les paiements acquittés chaque année ne correspondent qu’à l’intérêt sur la valeur de la nouvelle dette. Le montant total (la prime) n’est versé que plusieurs années plus tard, en fonction de la période d’échéance de l’obligation. Ce qui semble à prime abord une somme substantielle de fonds supplémentaires dédiés à la conservation se transforme en un modeste apport. De plus, comme ces opérations impliquent la création d’une nouvelle ONG, les frais de fonctionnement de cette dernière absorbent une somme importante.

L'argent produit par les échanges de dettes peut ne pas générer d'argent supplémentaire pour sauver les océans. Les gouvernements peuvent simplement utiliser ces fonds pour réduire les dépenses du budget central. C'est un problème, connu sous le nom de fongibilité, qui est rarement contrôlé. Photo: Talia Cohen.

Si l’on se penche à nouveau sur le modèle du plan audacieux, on constate qu’il présente 1,6 milliard de dollars comme des fonds destinés à la conservation des océans. Cependant, il s’agit en réalité de la valeur des dettes des pays en développement envers TNC, et non des dépenses prévues pour la conservation marine. La valeur de l’obligation bleue du Belize est de 363 millions de dollars, dont seulement 6,6 % sont destinés à la conservation. Le Belize s’est engagé à verser 4 millions de dollars supplémentaires par an pour financer les projets définis dans l’accord avec TNC, mais cet argent provient du budget central, et non de l’obligation bleue du Belize.

Les engagements ambitieux pris par les gouvernements pour élargir les aires marines protégées et transformer la gouvernance de leur économie bleue ne s’accompagnent pas d’estimations des différents coûts impliqués. Si l’on veut que ces dépenses soient gérées efficacement, alors les coûts annuels de suivi et de surveillance risquent d’être supérieurs aux fonds affectés par les échanges de dettes. À titre d’exemple, la nouvelle aire marine protégée des Seychelles devrait nécessiter jusqu’à 42 millions de dollars par an, somme dont le gouvernement seychellois ne dispose pas. Mais si l’échange de dette ne permet pas de financer ces engagements, d’où viendra l’argent ?

Une contradiction : sauver la nature pour stimuler la croissance économique

Au cœur de l’idée de l’échange de dette se trouve la conviction que la perte de biodiversité est principalement due à un manque de financement de la part des gouvernements, à un « déficit de financement ». Or, l’insuffisance des fonds n’est pas la cause première de la disparition de la biodiversité dans les forêts tropicales, pas plus qu’elle ne l’est dans les océans. Dans de nombreux pays, les menaces qui pèsent le plus lourdement sur les écosystèmes marins et les communautés locales dont les moyens de subsistance en dépendent sont dues à un excès d’investissements étrangers et d’exploitation commerciale. Cette gestion non durable de la nature est également imputable à des formes de corruption entre l’État et les entreprises. Les échanges de dettes reposent sur l’hypothèse qu’un financement supplémentaire des budgets gouvernementaux se traduira par une meilleure gouvernance environnementale.

Malheureusement, cette approche erronée a permis à TNC de conclure des échanges de dette avec les Seychelles et le Belize sans aucune documentation sérieuse sur les facteurs de perte de biodiversité et sur les coûts et vulnérabilités liés à la création d’une aire marine protégée.

Les organisations de conservation de la nature véhiculent l’idée que la conservation de la nature doit être une entreprise lucrative. Dans cette optique, une obligation bleue dépend donc de la croissance bleue et les océans doivent fournir une source de profits illimités. Ce principe se transforme en un cycle auto-réalisateur : une montée en puissance de la croissance bleue, laquelle entraîne inévitablement la destruction de l’environnement, est appelée à dépendre de l’émission de nouvelles obligations bleues. Un tel choix ne peut être durable, et les seuls à être certains d’en bénéficier sont les riches, ceux qui ont de l’argent en excédent à prêter. Lors d’une réunion précédant le Sommet de la Terre de 1991, les organisations travaillant sur les droits des communautés rurales et des peuples autochtones ont évoqué ce problème.

Les échanges dette-nature détournent l’attention de la principale scène du conflit, dans laquelle le modèle existant d’accumulation des richesses et de relations internationales favorise l’extraction et le transfert d’une partie importante de la main-d’œuvre, des ressources naturelles et des richesses des pays du tiers monde vers les points dominants de l’économie capitaliste. Malheureusement, ce n’est pas l’ignorance de la faiblesse des échanges dette-nature qui a conduit les ONG à s’impliquer dans ces programmes, croyant ainsi obtenir des ressources financières ou influencer les politiques environnementales officielles. Leur participation semble plutôt être le signe d’un mouvement de plus en plus coopté par l’éthique financière”.
— Déclaration publiée dans The Ecologist, vol. 22, 1992.

Conclusion

L’échange dette-océan réalisé par TNC au Belize a eu un impact sur une grande partie de la dette extérieure du pays, tout en faisant progresser plusieurs politiques importantes de gestion de l’économie bleue du pays. Il s’agit du premier exemple d’une initiative mondiale plus vaste, des échanges de dettes similaires étant en cours de négociation dans de nombreux autres États côtiers et insulaires en développement. La réaction internationale a été extrêmement positive : les échanges de dette de TNC inspirent désormais d’autres propositions d’échange des dettes qui accablent les pays en développement contre des fonds de lutte contre la crise climatique.

Les organisations travaillant dans le domaine de la pêche artisanale doivent s’engager davantage dans les débats sur l’opportunité des échanges dette-océan. Malheureusement, les principales organisations internationales qui influencent les débats politiques sur l’économie bleue font preuve d’un tel enthousiasme à l’égard de ces instruments financiers « innovants » qu’elles ne peuvent pas servir de plate-forme à des échanges ouverts, car elles se contentent de contribuer à la campagne publicitaire de ces accords.

Pour faire avancer ces débats, les critiques doivent traiter les présentations clinquantes avec la plus grande prudence. Les échanges de dette sont régulièrement présentés de manière trompeuse, exagérant les avantages financiers pour le pays débiteur et passant sous silence les avantages financiers pour les créanciers.

Les échanges de dettes ne transfèrent pas la richesse des marchés financiers mondiaux vers les pays en développement et ne constituent pas une solution à la crise de la dette. Les pêcheries artisanales devraient rejeter les échanges de dettes en faveur d'une véritable annulation de la dette et du paiement équitable des dettes écologiques dues à leurs pays. Photo: Carmen Abd Ali.

Une question essentielle est de savoir si les échanges de dette peuvent être réformés pour devenir plus bénéfiques pour la pêche artisanale, ou s’il convient de s’y opposer purement et simplement ? Plusieurs recommandations politiques pourraient être mises en avant pour améliorer ces accords, par exemple le renforcement de la redevabilité démocratique et de l’inclusion, ainsi que qu’une limitation du transfert de pouvoir vers des organisations telles que TNC. Peut-être des campagnes pourraient-elles obliger les détenteurs d’obligations à se montrer plus généreux en acceptant des décotes ? Ces améliorations seront cependant difficiles à obtenir, en partie parce que le succès des échanges de dettes exige la confidentialité lors de leur négociation, et parce que l’obtention d’un pouvoir politique dans les pays en développement semble être l’une des principales raisons pour lesquelles des organisations telles que TNC s’engagent dans ces accords. Il serait naïf d’espérer que les détenteurs d’obligations se montrent plus charitables, car leur raison d’être est la maximisation de leurs profits. Il est peu probable que de véritables transferts de richesse puissent avoir lieu s’ils sont laissés aux engagements volontaires du secteur financier privé.

Les réformes des instruments financiers peuvent améliorer légèrement la gouvernance et le financement de l’économie bleue, sans pour autant s’orienter vers un avenir plus durable et équitable. La pêche artisanale a davantage intérêt à ajouter sa voix à celle des défenseurs de l’annulation de la dette. Mais, ce qui est peut-être plus important est l’exigence d’initiatives significatives du traitement de la dette écologique. Les pays en développement sont aujourd’hui incités à emprunter davantage auprès de créanciers étrangers pour sauver la nature et payer une assurance climatique, tout cela en réponse aux dettes et à la destruction écologique principalement causées par la croissance économique non durable et la demande en ressources naturelles des pays industrialisés. Dans cette perspective, les échanges de dette doivent à coup sûr être considérés comme un symptôme d’injustice, et non comme une solution.

D’un point de vue mondial, les échanges de dettes ne font que réitérer la croyance selon laquelle une économie bleue durable doit être liée à une croissance économique illimitée. C’est un point de vue dont l’économie mondiale financiarisée est tributaire, mais il est erroné et, faute de le remettre en question, il détruira la possibilité d’un avenir véritablement durable pour des millions de personnes dont la subsistance dépend aujourd'hui des océans.



Photo de l’entête: Une jetée délabrée à Belize, par Meritt Thomas.