DÉCLARATION COMMUNE
13 organisations de la société civile et des organisations de pêche artisanale (OSC et PA) signent une déclaration commune lors de la 13e session du Sous-Comité de l'aquaculture de la FAO, un forum de consultation et de discussion qui conseille le Comité des pêches (COFI) sur les questions techniques et politiques relatives à l'aquaculture.
Les signataires de cette déclaration demandent aux membres de la FAO de s'attaquer aux effets destructeurs de l'aquaculture industrielle en parcs d'engraissement.
L'aquaculture est présentée par la FAO comme un système de production capable d'atténuer le déclin des captures de poissons sauvages tout en continuant à nourrir la population croissante de la planète. Toutefois, le terme "aquaculture" englobe différents modèles de production, comprenant différents coûts et avantages sociaux et environnementaux. Certains systèmes peuvent être relativement inoffensifs pour l'environnement lorsqu'ils sont pratiqués à une échelle appropriée, comme la pisciculture familiale ou communautaire à petite échelle, non intensive, et la culture extensive d'algues, de moules, de palourdes et d'huîtres, tandis que d'autres - notamment l'aquaculture industrielle intensive en parcs d'engraissement - ont des effets néfastes importants sur le plan environnemental et social pour les écosystèmes côtiers et les communautés qui en dépendent pour leur subsistance dans le monde entier.
Impacts sociaux, environnementaux et sur le bien-être des animaux
Partout dans le monde, le modèle industriel de l'aquaculture en parcs d'engraissement supplante les petites pêcheries côtières, leur disputant l'espace sur terre et dans les eaux traditionnellement utilisées pour la navigation et la pêche, menaçant leur survie par l'acquisition et la privatisation des biens communs côtiers, ainsi que par la dégradation de l'environnement et la pollution due aux déchets d'élevage.
Les impacts environnementaux de ce modèle de production comprennent l'eutrophisation, qui entraîne une augmentation des efflorescences algales nuisibles (y compris les marées rouges), un impact négatif sur les prairies marines et d'autres habitats essentiels en raison de l'accumulation de matières organiques autour des fermes; des fuites massives de poissons dans la nature et la mort des poissons, l'utilisation de produits chimiques nocifs, y compris des pesticides, des substances cancérigènes et des antibiotiques, qui polluent l'eau, créent des zones mortes au fond de la mer sous les fermes et posent des risques pour la santé humaine.
L'aquaculture intensive peut également nuire au bien-être des animaux en l'absence de réglementation visant à faire respecter les bonnes pratiques pendant le transport, l'élevage et l'abattage. Les poissons, en tant qu'animaux, sont reconnus comme des êtres sentients, et protégés par diverses conventions, notamment le projet d'UNCAHP et les dispositions de l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'UE. Pourtant, plus de 133 milliards de poissons d'élevage endurent de grandes souffrances dans les fermes aquacoles et sont tués selon des méthodes inhumaines chaque année.
Les tentatives d'élevage de nouvelles espèces carnivores sentientes telles que les céphalopodes ou le thon rouge, pour lesquelles il pourrait être impossible de respecter des normes élevées de bien-être, et dont les systèmes d'élevage seraient préjudiciables à l'environnement, aux moyens de subsistance locaux et à la biodiversité, suscitent des inquiétudes particulières.
L'engraissement de poissons d'élevage avec des poissons sauvages ?
En outre, si l’aquaculture est censée atténuer le déclin des captures de poissons sauvages tout en continuant à nourrir la population croissante de la planète, le modèle d'engraissement intensif de poissons est un non-sens. Des espèces d’élevage tels que le saumon, le bar, les crevettes et les gambas nécessitent de grandes quantités de farine et d'huile de poisson provenant de poissons sauvages dans leur alimentation.
Cette situation affecte à son tour les communautés de pêche artisanale, notamment en Afrique de l'Ouest, dans la mer Baltique et dans bien d'autres endroits, dont les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire sont menacés par l'épuisement des stocks de poissons sauvages pour produire des aliments pour poissons.: La surpêche de petits pélagiques tels que la sardinelle, la sardine et le maquereau pour les réduire en farine et en huile de poisson utilisées pour produire des aliments pour animaux destinés aux fermes piscicoles industrielles du monde entier met en péril les perspectives d'avenir des hommes et des femmes qui dépendent de la pêche artisanale tout au long de la chaîne de valeur.
L'aquaculture industrielle intensive en parc d'engraissement destinée à la consommation dans les pays plus riches enlève des poissons et des moyens de subsistance aux communautés locales, en particulier dans les pays à faible revenu.. L'aquaculture en Europe et en Asie s’approvisionne particulièrement d’aliments pour poissons d'Afrique de l'Ouest : plus d'un demi-million de tonnes de poissons pélagiques qui pourraient nourrir plus de 33 millions de personnes dans la région de l'Afrique de l'Ouest sont au contraire extraits de l'océan et réduits en farine et en huile de poisson pour nourrir les poissons d'élevage et le bétail.
Conclusion
La stratégie actuelle de la FAO pour l'aquaculture ne répond pas aux défis sociaux et environnementaux posés par ce secteur et ne définit pas clairement ce qu'est une aquaculture "durable". Ce soutien aveugle à toutes les formes d'aquaculture n'est ni cohérent ni compatible avec les objectifs politiques de la FAO visant à mettre en place des systèmes alimentaires durables qui soient productifs, résilients et équitables.
Nous demandons à la FAO et à ses membres d'adopter une approche cohérente de la gouvernance des systèmes d'"aliments bleus" durables qui s'aligne sur une approche basée sur les écosystèmes, le bien-être animal et l'équité sociale. La FAO doit cesser d'encourager la production de masse de produits de la mer par l'aquaculture industrielle en parcs d'engraissement sans tenir compte de l'environnement, des communautés locales ou du bien-être animal, et placer l'aquaculture à petite échelle et à faible impact, les hommes et femmes travailleurs de la pêche, les petits producteurs de poisson, les transformateurs et les commerçants au cœur de sa politique alimentaire.
Signataires :
Confédération Africaine d’organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA)
Agrupación DEFENDAMOS PATAGONIA
Coalition pour des accords de pêche équitables
Compassion in World Farming International
Fédération libre de pêche artisanale - FLPA Mauritanie
Foodrise EU (connu en tant que Feedback Europe)
Forum for the Conservation of the Patagonian Sea and its Area of Influence
Instituto de Conservación de Ballenas, Argentina
PLAGANEPA (Plateforme d’acteurs non-étatiques de la pêche artisanale de Guinée Bissau)
Illustration photo by Bob Brewer.