Comprendre l’industrie du financement de la conservation

Le financement de la conservation est devenu un outil dominant pour tenter de lutter contre la crise climatique et pour inverser la perte de la biodiversité. Son essor est important pour la pêche maritime car il s’agit d’une composante centrale du concept de « l’économie bleue ». Et si ses partisans en présentent une vision ambitieuse, il est difficile d’en comprendre le jargon ; un besoin urgent de transparence s’impose.

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La disparition continuelle des derniers écosystèmes sains de la planète n’est hélas plus une nouvelle. La nouvelle, en revanche, c’est que la sauvegarde de ces écosystèmes est non seulement abordable, mais aussi rentable. La nature ne doit pas être transformée en un produit marchand, mais en un actif apprécié du marché d’investissement classique.”
— Tidjane Thiam, Directeur général du Crédit Suisse.

Le Directeur général du Crédit Suisse a bien su capter l’essence même de ce que l’on appelle aujourd'hui le « financement de la conservation ». Il parle aussi le double langage qui en est si souvent caractéristique. Directeur général d’une banque qui a accumulé ses richesses en investissant dans les industries les plus polluantes du monde, il recommande de ne pas transformer la nature en un produit, mais dans la foulée, nous dit aussi que la nature est un actif dont le secteur financier doit apprécier toute la valeur, car elle est source de profits. Mais est-il possible que la nature puisse constituer un actif rentable pour les marchés financiers sans se transformer en un produit marchand ?

Le financement de la conservation est devenu un thème dominant des initiatives internationales de lutte contre le changement climatique et pour inverser la perte de la biodiversité. Depuis dix ans, les plus grands organismes mondiaux de conservation, tels que le WWF, The Nature Conservancy (TNC), Conservation International (CI) et l’International Union for the Conservation of Nature (IUCN) en ont fait l’une de leurs priorités. De même, la plupart des principales banques d’investissement et des plus grands fonds spéculatifs du monde, tels que le Crédit Suisse et Goldman Sachs, décrivent le financement de la conservation à la fois comme une priorité et une opportunité. En très peu de temps, le financement de la conservation est devenu une industrie internationale florissante.

L’importance de cette industrie se traduit aujourd'hui par de nombreuses initiatives internationales. Dans le cas de l’Union européenne, l’accent sur le financement privé peut être observé dans la « stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 » et le « Pacte vert pour l’Europe ». Parmi les multiples idées avancées dans ces stratégies, l’UE s’est fixée pour objectif de lever plusieurs milliards d’euros en partenariat avec des investisseurs privés, ainsi que de soutenir des instruments financiers innovants afin d’aider les investisseurs privés à trouver des capitaux pour les projets environnementaux rentables. Lors de l’historique sommet de la COP26 à Glasgow en Écosse, le rôle essentiel du financement privé s’est vu confirmé. L’un des événements qui ont fait la une est l’annonce de l’alliance financière pour des émissions net zéro (Glasgow Financial Alliance for Net Zero - GFANZ), dont le résultat apparent est que 160 firmes contrôleront 70 000 milliards de dollars dédiés au financement des investissements verts.

Cet essor du financement de la conservation revêt une importance toute particulière pour la pêche maritime. Il s’agit d’une composante centrale du concept de « l’économie bleue ». Dans quasiment toutes les conférences sur l’économie bleue, et dans quasiment toutes les stratégies nationales et internationales rédigées à son sujet, ce facteur est présenté comme vital pour sa réussite. La Stratégie d’économie bleue de l’Union africaine consacre une part importante au « financement innovant ». Le but principal est d’encourager le secteur du financement de la conservation à investir en Afrique, ce qui exige des mesures incitatives et des modifications des réglementations pour fluidifier les flux de capitaux.

COMPRENDRE LE FINANCEMENT DE LA CONSERVATION

Si le financement de la conservation propose une vision très ambitieuse, il est difficile de comprendre exactement quelles sont ses actions actuelles et ses plans pour le futur. Ceci n’est guère étonnant. L’univers de la finance est en effet célèbre pour sa complexité, mais aussi pour son manque de transparence et son jargon déconcertant.

Une grande partie des actions du financement de la conservation semble assez simple : lever des fonds pour investir dans des entreprises et des initiatives qui génèrent des bénéfices tout en protégeant la nature, par exemple en octroyant des prêts à la pêche durable ou à l’aquaculture. Encourage Capital, pour citer un exemple, est une nouvelle organisation aux États-Unis dédiée au financement de la conservation, et qui se spécialise dans des projets à grande échelle, afin de permettre aux investisseurs de transformer les pêcheries dans des pays tels que le Chili et le Brésil. Il existe cependant des instruments financiers moins connus ou dits « innovants » qui sont utilisés par le financement de la conservation en collaboration avec des gouvernements et des organismes intergouvernementaux. Ce sont les « échanges de dettes [debt swaps en anglais, NDT] », les « obligations souveraines liées à l’impact environnemental » et les « polices d’assurance pour les écosystèmes marins ». Ces dernières sont parfois désignées par le terme d’ « obligations catastrophe » [« CAT bonds », NDT], ou comme elles ont été décrites dans un webinaire récent sur le financement de la conservation :

« …des solutions innovantes permettant de monétiser la valeur de la réduction des risques naturels et de garantir sa continuité, grâce à des mécanismes de financement du risque qui accompagnent la résilience de l’écosystème.”
— Extrait du webinaire "Risk financing for nature-based solutions", organisé par la Conservation Finance Alliance le 22 juin 2021.

Ces descriptions restent obscures pour la grande majorité d’entre us. Que signifie exactement la valeur de la réduction des risques naturels et comment est-elle monétisée ? Pour ceux qui ne sont pas familiers du langage de la finance, la transparence s’impose. Cependant, pour réellement comprendre le financement de la conservation, nous devons comprendre comment sa réussite a transformé l’idéologie et les acteurs qui sont désormais en première ligne de la sauvegarde de la planète. Qui sont-ils ?

1. Le contexte : la financiarisation de l’économie mondiale

Les organismes de conservation ont commencé à tester des accords financiers innovants dans les années 1980. En plein cœur de la crise mondiale d’endettement du milieu des années 1970, les grands organismes de conservation américains, dont le WWF et The Nature Conservancy, ont racheté les dettes avec décote des pays en développement, à condition que les gouvernements détenant ces dettes s’engagent à dépenser un montant équivalent correspondant à l’établissement de réserves pour la défense de la nature. Ils rachetaient par conséquent des actifs financiers (des dettes) pour inciter une augmentation des dépenses gouvernementales consacrées à la conservation. Cette époque marque la première collaboration de ces organismes avec les acteurs de Wall Street pour lever des capitaux financiers.

La relation entre les grands groupes de conservation et les marchés financiers était alors restreinte. Les organismes de conservation utilisaient leurs propres fonds pour acheter des dettes avec décote, pour des montants relativement modestes. Les banques d’investissement n’étaient pas non plus particulièrement intéressées par ces soi-disant « échanges de dettes pour la conservation de la nature ». Toutefois, aujourd'hui, la relation entre les organismes de conservation et les banques d’investissement est complètement différente.

Le terme qui explique le mieux l’évolution de cette relation est la « financiarisation ». La financiarisation correspond à un changement de modèle de l’économie mondiale : auparavant principalement basée sur la fabrication de biens et sur le commerce de marchandises pour générer des profits, elle est désormais fondée, dans sa majeure partie, sur les profits dégagés par les transactions financières et sur les échanges et les spéculations sur les devises.

La financiarisation existe certes depuis des siècles, mais elle a explosé à partir des années 1980, en partie grâce à la technologie, qui a permis aux marchés financiers de se digitaliser et d’être actifs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Une autre raison de son essor est à chercher dans les changements de réglementation du secteur financier, dominé par les États-Unis et le Royaume-Uni. Ces changements ont éliminé de nombreuses règles qui empêchaient les marchés financiers de se comporter comme des casinos, réduisant au passage les organismes de surveillance et les restrictions sur les pratiques de trading. Au début des années 1980, la valeur totale des actifs financiers dans le monde s’élevait à environ 12 billions de dollars. Depuis, ce chiffre dépasse largement les 220 billions de dollars. Une grande partie de cette richesse peut être considérée comme fictive, car elle se fonde sur des dettes et sur les profits générés par leur vente de ces dettes.

Le concept de financiarisation décrit comment l'économie mondiale est passée de la production de biens et du commerce de matières premières à la production de transactions financières, c'est-à-dire le commerce et le jeu de l'argent. Photo : Aditya Vyas.

L’essor de la financiarisation a de vastes répercussions sur notre société et notre économie, comme par exemple, les changements dans la nature des grandes entreprises et des secteurs d’activité créant des produits non financiers, tels que le secteur alimentaire. Devenues de plus en plus tributaires des investissements financiers, les entreprises ont été soumises à des pressions qui les contraignent à générer des bénéfices toujours plus importants pour leurs détenteurs financiers. La financiarisation a tendu à faire baisser les salaires des travailleurs et des cadres moyens, les entreprises étant elles réorganisées dans une optique de réduction des coûts et des effectifs, avec une externalisation d’emplois redistribués à des travailleurs disposant de droits et d’avantages moindres.

Plus l’économie est financiarisée, plus elle est concentrée, avec un nombre plus réduit de firmes accédant à des positions de monopole. Le plus grand fonds de capital-risque actuel est Black Rock, dont on estime qu’il contrôle 9,5 billions de dollars. Black Rock et deux autres fonds géants américains d’investissement privé, State Street et Vanguard, contrôlent à eux trois plus de 25 billions de dollars de capitaux financiers, et détiennent environ 50 % de toutes les actions des sociétés cotées en bourse aux États-Unis, ainsi qu’une grande proportion d’actions dans d’autres régions du monde. Un tiers du portefeuille des actions de Black Rock se trouve en Europe, ce qui en fait le plus grand actionnaire du continent. Ses actifs dépassent de très loin le produit intérieur brut de n’importe quel État membre de l’Union européenne.

LA CLASSE DE DAVOS

La financiarisation ne désigne pas seulement la croissance des transactions financières. Elle correspond aussi à la domination croissante de la logique et du langage de la finance internationale dans tous les aspects de notre vie sociale : tout est converti en produits ouverts aux échanges et à la spéculation. Elle démontre également comment les élites de cet univers financier ont acquis le contrôle de nombreux secteurs d’importance mondiale, y compris les gouvernements et les organismes internationaux.

Goldman Sachs, par exemple, est sans doute la plus grande et la plus influente banque d’investissement du monde. Alors même qu’elle se trouvait au cœur du scandale bancaire qui a provoqué le krach financier mondial, il est remarquable que de nombreux anciens collaborateurs de la banque se sont ensuite retrouvés à des postes du gouvernement et des organismes de régulation, avec pour mission de mettre en œuvre la reprise après la crise financière. Parmi eux, on peut citer Henry Paulson, qui avait été nommé Secrétaire au Trésor américain pour orchestrer la sortie de la crise financière et le sauvetage des banques, alors qu’il avait été le PDG de Goldman Sachs pendant 30 ans. Le krach a été révélateur mettant en lumière ces passerelles entre institutions financières et gouvernements, non seulement aux États-Unis, mais aussi partout en Europe. C’est ainsi que l’on a retrouvé d’anciens collaborateurs de Goldman Sachs à la tête de dizaines de banques nationales et de banques multilatérales de développement, telles que la Banque d'Angleterre, la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque mondiale. De nombreux politiques occupant des postes-clés un peu partout dans le monde étaient aussi d’anciens collaborateurs de Goldman Sachs, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie et en Inde.

Matt Taibbi, de Rolling Stone Magazine, expose ainsi l’étendue de la pénétration des institutions financières dans les affaires mondiales :

La première chose qu’il faut savoir sur Goldman Sachs, c’est qu’ils sont partout. La plus puissante banque d’investissement du monde est une gigantesque pieuvre vampire qui enserre l’humanité dans ses tentacules et attaque sans relâche tout ce qui sent l’argent. L’histoire de la récente crise financière, qui est aussi l’histoire du déclin et de la chute rapides d’un empire américain brutalement escroqué et asséché, se lit comme le Who’s Who [Jeu « Qui est-ce ? », NDT] des diplômés de Goldman Sachs.”
— Matt Taibbi, "The Great American bubble machine", Rolling Stone, 5 avril 2010.

Goldman Sachs n’est que l’une des firmes internationales qui jouent le rôle de passerelle d’accès aux postes d’élite dans le secteur de la finance privée et du conseil aux entreprises, ainsi qu’à des postes-clés au sein des gouvernements et des organismes intergouvernementaux. Récemment, Black Rock, par exemple, a multiplié ses rôles de conseillers auprès des gouvernements du monde entier, tout en recrutant d’anciennes pointures politiques des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de la Grèce et de l’Irlande, ainsi que des hauts responsables de diverses banques centrales et fonds de pension publics.

Ce réseau dense d’élites financières et politiques a reçu de nombreuses appellations, dont celui de « Classe de Davos ». Elle désigne les réunions annuelles des plus puissants de ce monde sous l’égide du Forum économique mondial, organisées en Suisse. Un examen des antécédents des postes occupés par les membres de la Classe de Davos montre que la plupart d’entre eux partagent un lignage commun, passant de cabinets de conseil aux banques d’investissement puis aux postes du secteur public, et recommençant régulièrement ce cycle. Toutefois, de plus en plus souvent, le centre névralgique de ce réseau est constitué par les institutions financières privées.

La financiarisation est par conséquent considérée par beaucoup comme la dynamique fondamentale responsable d’un tel nombre d’inégalités dans le monde, tout en posant une menace existentielle pour la démocratie. Elle transfère la possession et le contrôle de multiples pans de la société à un groupe minuscule d’investisseurs et d’institutions extraordinairement fortunés, et pousse tout dans le sens d’une maximisation des profits dans des délais de plus en plus courts.

La "classe de Davos", les élites de l'industrie financière, ont acquis du pouvoir dans de nombreux secteurs de ce monde globalisé, grâce aux portes tournantes entre les postes d'élite dans la finance du secteur privé, le conseil aux entreprises et les postes de direction dans les organisations gouvernementales et intergouvernementales. Photo : Une conférence au Forum économique mondial, 2019 à Davos, Suisse par Evangeline Shaw.

La pêche maritime est affectée par cette dynamique. On peut observer la financiarisation à l’œuvre lorsque l’on voit les droits de pêche transformés en produits achetés et vendus par des investisseurs qui n’ont que des liens faibles, voire aucun, avec la pêche. Cet état de fait est caractéristique de la pêche commerciale dans de nombreuses régions d’Europe, d’Amérique du nord, d’Islande et de Nouvelle-Zélande. La financiarisation contribue à contraindre les professionnels de la pêche à générer plus de profits pour un coût moindre.

L’ampleur de la financiarisation dans la pêche se révèle également au vu du montant étonnamment élevé de capitaux financiers privés investis dans les pêcheries mondiales. Greenpeace estime qu’au cours des 10 dernières années environ, les pêcheries thonières ont bénéficié à elles seules d’investissements de plus de 8,5 milliards émanant de banques privées. Le rôle de la haute finance est essentiel pour comprendre les causes de la pêche non durable, ainsi que les inégalités au sein du secteur de la pêche. Il n’attire cependant que peu l’attention, ce qui n’est guère surprenant lorsque l’on connaît la complexité du monde de la finance, mais lorsque l’on sait aussi à quel point la Classe de Davos a envahi les groupes et les organisations qui surveillent ce secteur.

2. Justifier le financement de la conservation : la pénurie des fonds dédiés à la biodiversité

La financiarisation de la conservation reçoit aujourd'hui l’appui des grandes ONG internationales de défense de l’environnement, des Nations Unies, de la Banque mondiale et de l’UE, ainsi que des principaux fonds spéculatifs, cabinets de conseil et banques d’investissement du monde. Tous font passer le même message : introduire la finance dans la conservation est le seul moyen de sauver la planète.

Pour justifier cette vue, l’idée avancée est que le changement climatique et la protection de la biodiversité exigent une augmentation massive des dépenses, chose que les gouvernements ne semblent ni pouvoir, ni vouloir faire. Dans cette vision, le défi consistant à éviter l’urgence climatique et à sauver la biodiversité est exclusivement de nature financière.

C’est par conséquent le « Saint Graal » de la conservation contemporaine. Selon ses partisans, la conservation doit être reconceptualisée sous la forme d’un actif financier capable d’attirer les investissements privés et d’offrir aux investisseurs de coquets revenus en retour. Nul ne résume plus clairement cette conviction qu’Henry Paulson, qui a quitté son poste au gouvernement américain pour créer un think-tank de pointe sur le financement de la conservation, le Paulson Institute. Dans son introduction à un rapport intitulé “Financing nature: Closing the biodiversity funding gap”, présenté lors de la 8ème conférence annuelle sur le financement de la conservation, organisée à huis clos au Crédit Suisse à New York, Paulson donne cette explication :

J’ai toujours pensé qu’une planète en bonne santé est bonne pour les affaires et qu’il coûte beaucoup moins cher d’empêcher les dommages écologiques que de devoir repasser derrière pour les réparer. Pendant une grande partie de ma carrière, j’ai été seul à soutenir cette position dans le monde de l’entreprise. Mais ces dernières années, quelque chose a changé. J’ai observé un nouveau sentiment d’urgence concernant le problème de conservation de la nature, un essor rapide de l’intérêt pour le financement écologique et durable, et un sentiment renouvelé qu’un effort collectif peut faire toute la différence. Espérons que l’investissement dans la nature finira par se généraliser dans l’univers de la finance assez vite pour stopper le déclin alarmant de notre biodiversité.”
— Henry Paulson, "Financing nature", 2020.

Les arguments en faveur du financement de la conservation partent donc du principe de facto que les sources traditionnelles de financement sont inadaptées. Pour rendre cet argument plus persuasif, ses défenseurs ont estimé les montants du financement nécessaires. Une étude influente, publiée par le Crédit Suisse, le WWF et McKinsey & Company en 2014, fixait le flux total des fonds requis par les initiatives de conservation dans le monde à environ 50 milliards de dollars par an. Mais les auteurs de l’étude estimaient que pour inverser le changement climatique et sauver la nature, le monde devrait en réalité investir près de 400 milliards de dollars par an. Le montant nécessaire pour transformer les pêcheries en une industrie durable est estimé à environ 47 milliards de dollars.

Même si cette pénurie des capitaux indispensables au sauvetage de la nature représente des sommes vertigineuses, McKinsey & Company, le WWF et le Crédit Suisse font remarquer qu’ils correspondent à « seulement 1 % du total des actifs financiers du monde ». Le sauvetage de la planète ne représente donc qu’un peu d’argent de poche pour le secteur financier. Le seul moyen de faire affluer les milliards nécessaires à la conservation est de proposer à leurs propriétaires une motivation financière : en un mot, de faire de la conservation un investissement rentable.

DES ENTREPRISES PARTENAIRES AUX FOURNISSEURS DE SERVICE FINANCIERS

Depuis la fin des années 1980, les initiatives internationales en faveur de la conservation ont encouragé la collaboration avec les multinationales. Au premier Sommet de la terre de 1992, à Rio de Janeiro, l’Initiative financière du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), dirigée par l’ancien magnat du pétrole Maurice Strong, avait créé le World Business Council for Sustainable Development (WBSCD) [en français, « Conseil mondial des affaires pour le développement durable », NDT]. Ce conseil était composé des plus grandes entreprises pollueuses du monde dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation et de l’agriculture. Ce conseil a joué un rôle proéminent pour influencer l’accord final du Sommet de la terre, qui a brillé par l’absence de critiques concernant le rôle des multinationales dans la destruction de la biodiversité et leur responsabilité dans le changement climatique. Le WBSCD a également été autorisé à financer les dépenses des Nations Unies liées à l’organisation de l’événement, lequel s’est avéré être la plus grande conférence internationale des Nations Unies jamais organisée à cette époque.

La période qui a suivi le Sommet de la terre a été caractérisée par la formation de « partenariats » entre les organismes de conservation et un grand nombre des entreprises les plus polluantes de la planète, suivant l’argument que pour sauver la nature, il fallait œuvrer main dans la main avec les entreprises et non contre elles. Des organismes tels que le WWF et TNC ont développé des projets avec des entreprises comme McDonalds, Disney, Coca-Cola, Shell et British Petroleum pour les aider à rendre plus écologiques leurs pratiques et à atténuer l’impact sur l’environnement, par exemple en finançant l’achat de réserves naturelles privées, censées être les vitrines compensant leur destruction d’autres écosystèmes.

Le postulat de départ des partisans du financement de la conservation est que les sources traditionnelles de fonds dédiés à la conservation sont insuffisantes et que la conservation doit être reconceptualisée sous la forme d’un actif financier capable d’attirer les investissements privés et d’offrir aux investisseurs de coquets revenus en retour. Photo: Cédric Frixon.

À cette époque, on a commencé à voir siéger dans les conseils d’administration des grands groupes de conservation américains des PDG d’entreprises du secteur des énergies fossiles, de la production alimentaire industrielle et de l’agriculture. Ainsi s’est amorcée la « corporatisation » du mouvement de conservation. La culture des grandes entreprises a également infiltré les organismes de conservation, qui sont devenus plus bureaucratiques, expansionnistes et concurrentiels. Le langage et les concepts de la conservation se sont également modifiés. La nature s’est retrouvée dépeinte sous les traits d’une corporation géante, exigeant une gestion attentive pour garantir l’optimisation des précieux services écosystémiques qu’elle rendait à l’économie. C’est ce que Maurice Strong a rendu célèbre sous le nom de « Earth Inc ». À partir de la fin des années 1980, le sauvetage de la planète était considéré comme vital pour soutenir la croissance économique et en conséquence, le mouvement de conservation international était considéré comme un collaborateur du capitalisme contemporain, et non comme un adversaire.

L’argumentation économique en faveur du sauvetage de la nature reste puissante dans le monde de la conservation internationale et constitue le thème qui définit les concepts de l’économie verte et bleue. Toutefois, le krach financier de 2008 a radicalisé la conservation et marqué un net changement des stratégies.

Ce phénomène a surtout prédominé aux États-Unis, mais cette tendance s’est aussi répandue en Europe, en particulier au Royaume-Uni. Les principaux organismes de la conservation ont entamé une métamorphose : de partenaires des grandes entreprises, dont ils avaient adopté les caractéristiques, ils sont devenus des « fournisseurs de services financiers ». Au lieu de solliciter des fonds auprès des entreprises pour financer des projets de conservation mutuellement avantageux, ils se sont mis à cibler les investisseurs privés en élaborant des projets rentables. Il s’agit là d’une progression logique. Si le sauvetage de la nature était bon pour les entreprises et la croissance économique, alors la conservation devait sûrement démontrer sa « valeur actionnariale ».

Cette évolution vers la financiarisation a changé les individus et les institutions aux commandes, avec une plus grande influence du secteur financier. En effet, les organismes de conservation ne se sont pas contentés de nouer des partenariats avec des institutions financières, telles que les banques d’investissement et les fonds spéculatifs, mais ils ont aussi activement encouragé ce secteur à assumer leur direction.

LE CAS DE TNC

L’exemple le plus frappant de cette transformation est celui de TNC. TNC a vu le jour dans les années 1950, sous la forme d’un groupe bénévole de scientifiques et d’écologistes au sein de l’« Ecologist’s Union ». Ses membres s’étaient regroupés pour protester contre les plans de destruction d’une petite forêt en périphérie de New York. Renommé The Nature Conservancy (TNC) dans les années 1960, l’organisme a adopté une approche directe de la conservation, en rachetant des terres privées qui étaient ensuite déclarées réserves naturelles. Dans les années 1990, TNC a connu un rapide succès, sous la houlette de l’ambitieux travail de John Sawhill, ancien directeur de McKinsey & Company devenu PDG de TNC. Sawhill a joué un rôle important dans la modification de la législation américaine sur la propriété terrienne, dans le but de permettre aux propriétaires de transférer plus facilement leurs terres pour les transformer en réserves protégées par TNC, en échange d’allègements fiscaux. Cette stratégie a conduit TNC à conclure des partenariats avec de grands propriétaires terriens privés tels que des agriculteurs industriels, des sociétés minières et Disney. Au tournant du siècle, TNC était devenu le plus grand organisme international de conservation au monde, et aussi l’un des plus grands gestionnaires de terres privées aux États-Unis.

Malgré cet impressionnant portefeuille d’actifs, après la crise financière de 2008, le conseil d’administration de TNC s’est rendu compte que les sources de financement stagnaient. Une époque d’austérité et de réductions des fonds publics destinés aux ONG et à l’aide au développement faisait son entrée. TNC a décidé qu’une nouvelle stratégie s’imposait et qu’un nouveau style de leadership devait être recherché. L’organisme a alors recruté un nouveau Directeur exécutif, Mark Tercek, qui occupait auparavant un poste à hautes responsabilités en tant que banquier d’investissement chez Goldman Sachs. À ses côtés, TNC a également nommé au poste de Vice-président Brian McPeek, ancien collaborateur de McKinsey & Company, qui apportait avec lui son expérience au service de clients de banques d’investissement et de fonds spéculatifs. Leur mission principale consistait à remodeler les finances de TNC et à dynamiser les flux de revenus émanant d’investisseurs financiers privés.

L’un des premiers projets de TNC mis en œuvre par la nouvelle direction a été une collaboration avec leurs collègues de banques commerciales telles que Goldman Sachs et J. P. Morgan, avec pour résultat la création d’une organisation sœur appelée « NatureVest ». L’objectif précis de cette dernière était de collaborer avec les banques pour développer des contrats de conservation rentables ciblant des fonds spéculatifs et les « clients à valeur nette extrêmement élevée ». Depuis 2014, NatureVest affirme avoir levé 1,3 milliards de dollars à destination d’initiatives de conservation. L’un de ses principaux programmes est intitulé « Sustainable Debt » (Dette durable) et a pour but de tirer parti de la dette de pays en développement pour mobiliser des capitaux pour les projets de conservation. Un contrat historique conclu par NatureVest porte sur un échange dette-nature estimé à 21 millions de dollars, finalisé avec la République des Seychelles en 2015.

En recrutant des profils prestigieux du secteur financier, TNC a aussi revu à la hausse ses structures salariales. La rumeur veut que l’organisme ait décidé de verser aux membres de cette nouvelle équipe de direction des salaires annuels de plus de 800 000 dollars chacun. Cette somme étonnante correspond à un salaire très élevé quel que soit le secteur, mais plus encore dans l’univers de la conservation de la nature, réputé être à but non lucratif. L’importance de ce relèvement massif des rémunérations des hauts dirigeants des organismes de conservation est profonde. Elle signale non seulement un changement culturel de ces organismes, mais les oriente aussi vers une autre voie, dans laquelle les flux de revenus doivent atteindre des sommes extrêmes et où la performance des projets de conservation est de plus en plus tributaire de leurs résultats financiers et du profit qu’ils génèrent.

La décision de nommer des dirigeants prestigieux et de les rémunérer grassement s’est révélée concluante. Quelques années après les nouvelles nominations, le revenu annuel de TNC a doublé, atteignant 1 milliard de dollars. La valeur nette de l’organisme a été estimée à plus de 6 milliards de dollars. Ses opérations dans le monde sont passées de 39 à 70 pays. Le chiffre d’affaires de TNC est désormais supérieur à celui de nombreux pays en développement dans lesquels sont présents des organismes similaires.

Dans les années 90, TNC est devenu l'un des plus grands gestionnaires fonciers d'Amérique grâce à son PDG, John Sawhill, ancien directeur de McKinsey & Company, qui a contribué à modifier les lois foncières aux États-Unis afin de permettre aux propriétaires fonciers de transférer des terres à protéger par TNC en échange d'avantages fiscaux. Photo : Une ferme dans l'Idaho par Vidar Nordli-Mathisen.

Le processus de financiarisation de TNC s’est propagé à son conseil d’administration. Après 2008, Mercek a fait appel à Larry Fink, le PDG de Black Rock. TNC a également recruté l’un des plus riches hommes d’affaires chinois, Jack Ma, dont la valeur est estimée à 50 milliards de dollars. Parmi les autres membres nommés au conseil d’administration figurent Andrew Liveris, le PDG de DOW Inc., l’une des plus grandes sociétés américaines de financement du secteur de la chimie ; Douglas Petno, PDG de la division de la banque commerciale de J. P. Morgan, et Meg Whitman, qui faisait alors partie du conseil d’administration de Goldman Sachs et se présentait comme candidate des Républicains au poste de gouverneur de Californie. Or dans cette liste, les membres possédant une expérience dans la conservation brillent par leur absence.

3. La genèse d’une industrie mondiale du financement de la conservation

TNC demeure le chef de fil de cette évolution vers la financiarisation au sein des organismes de conservation. C’est néanmoins une tendance que la plupart des autres acteurs ont suivie. Aujourd'hui, les écologistes et les biologistes, à l’origine de la création du mouvement de conservation, sont minoritaires aux postes de responsabilité. On y trouve davantage des titulaires de M.B.A avec des années d’expérience en gestion de fonds spéculatifs de plusieurs milliards de dollars.

Les changements au sein des organismes de conservation établis ne sont pas les seuls à avoir cette importance. Les organismes internationaux tels que les Nations unies et la Banque mondiale ont créé de nouveaux programmes et départements consacrés au financement de la nature. Ils canalisent le financement de l’aide au développement vers des ONG environnementales financiarisées, en général bien adaptées pour faciliter un financement mixte, dans lequel des fonds publics sont utilisés comme catalyseurs pour mobiliser des financements privés pour les projets de développement.

L’idée de la nature en tant que nouvelle classe d’actifs financiers a entraîné la prolifération de start-ups du financement de la conservation. L’examen des publications et des sites Web sur le financement de la conservation fait émerger une pléthore de ces types d’entreprises, parmi lesquelles on peut citer EKO Finance Asset Managers, Nature Capitalism, Conservation Capital, Environmental Finance, Wilderness Markets, Terra Natural Capital, Amazonia Impact Investors, et ainsi de suite.

Il est impossible de les dénombrer. Beaucoup d’entre elles ont une brève existence, puis disparaissent, en un exact reflet de l’univers de la finance en général, où chaque année, un tiers des fonds spéculatifs et des groupes de capital-risque font naufrage, et où la durée de vie moyenne d’un fonds spéculatif est inférieure à 5 ans.

Cet essor exponentiel du financement de la conservation a fait naître de nombreux réseaux et associations, créés par des organisations comme les Nations Unies, la Banque mondiale et l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature). Citons par exemple The Coalition for Private Investments in Conservation, The World Forum on Natural Capital, The Conservation Finance Alliance et The Conservation Finance Network. Il existe désormais des cours de formation accrédités en financement de la conservation, proposés par des universités et des écoles de management de premier ordre comme Yale et la Cornell University. Blue Solutions, créé par l’IUCN, le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) et l’organisation allemande d’aide au développement à l’étranger, GIZ, proposent désormais une formation au financement de la conservation des océans. En quelques années, le concept ambitieux qu’était à l’origine le financement de la conservation s’est transformé en une industrie mondiale prospère.

De nombreux événements internationaux permettent aux acteurs de cette industrie de se réunir, tels que les conférences exclusives annuelles organisées par le Crédit Suisse à New York et des initiatives régionales comme le Caribbean Conservation Finance Congress. L’événement le plus prestigieux et le plus exclusif de l’économie bleue est le World Ocean Summit & Expo, hébergé chaque année par l’Economist Intelligence Unit (EIU), une sorte de « Davos des océans ».

Outre les changements intervenus dans les organisations de conservation établies, l'idée de la nature en tant qu'"actif" financier a imprégné les organisations internationales, telles que l'ONU ou la Banque mondiale, qui ont également adapté ou créé de nouveaux programmes ou départements pour le financement de la nature ou de la conservation. Photo : Ilyass Seddoug.

L’industrie du financement de la conservation arrive aujourd'hui à suffisamment de maturité pour posséder ses propres spécialisations, telles que le financement climatique ou les forêts tropicales. Le monde de l’économie bleue est en train de se ménager son propre créneau. De nombreuses entreprises se spécialisent dans l’éco-investissement pour les océans, telles que Blue Finance, Sustainable Marine Financing, Blue Marine Foundation et Ocean 14 Capital. Un examen des fondateurs de ces organisations permet de distinguer une nouvelle forme de collaboration : un mariage entre certains des plus célèbres biologistes marins du monde et les élites du secteur financier privé.               

Penchons-nous sur le cas d’Ocean 14 Capital, dont le nom fait allusion à l’objectif de développement durable n° 14 des Nations Unies, intitulé « Vie aquatique ». Ocean 14 Capital a été fondé par la richissime famille Gottshalk, originaire de Suisse, qui a créé plusieurs grands fonds de capital-risque et fonds spéculatifs, dont le Gottex Fund Management, aux actifs supérieurs à 16 milliards de dollars. L’un des conseillers de la famille Gottshalk pour Ocean 14 Capital est Peter Wheeler, le Vice-président exécutif de TNC à Londres, qui a aussi été banquier chez Goldman Sachs pendant 16 ans et Vice-président du Rothschild Group, et dont les actifs frôleraient les 15 milliards. L’un des principaux conseillers d’Ocean Capital 14 est le Professeur Callum Roberts, considéré comme le plus grand biologiste marin d’Europe.

Une autre des firmes émergentes de l’éco-investissement dans le monde de la finance bleue est le Blue Marine Yacht Club, créé par le Prince Albert de Monaco. Cet organisme canalise les fonds provenant de propriétaires de super-yachts vers des projets de financement de la conservation mis en place par la Blue Marine Foundation, fondée par Charles Glover, journaliste auteur d’un ouvrage primé en 2004, intitulé « End of the line ».

4. Le rôle des cabinets de conseil

L’avènement de l’industrie du financement de la conservation s’est accompagné de l’influence grandissante des cabinets de conseil. Leur rôle est crucial pour comprendre parfaitement les rouages de cette industrie.

Les cabinets de conseil ne produisent rien, se contentant de fournir à leurs clients un avis pour les aider à améliorer l’efficacité et la profitabilité de leurs organisations. Un aspect de l’économie mondiale qui laisse perplexe est que les grandes entreprises, les gouvernements et les organismes internationaux soient si nombreux à dépenser chaque année des milliards pour recruter de très nombreux consultants privés qui vont leur expliquer comment faire leur travail. Ce problème est particulièrement aigu dans le cas des gouvernements et des organismes inter-gouvernementaux, qui ont supprimé les dépenses et les postes à plein temps de leur service public au nom d’une politique d’austérité, mais qui versent des sommes pharamineuses aux cabinets de conseil pour que ces derniers fassent le travail qui devrait justement être celui du service public. Autre aspect qui a de quoi laisser plus perplexe encore lorsque l’on constate que ces cabinets fournissent régulièrement des avis de piètre qualité, rédigés par des auteurs qui ne semblent pas qualifiés pour proposer une opinion digne d’un spécialiste. Il s’agit un problème systémique que l’on retrouve partout dans le monde, même dans les pays en développement.

Les plus grands cabinets de conseil internationaux sont tous originaires des États-Unis. Ce sont notamment McKinsey & Company, le Boston Consulting Group, Bain & Company et Deloitte. Ce sont des entités très discrètes (elles tendent à ne pas révéler les noms de leurs clients) que l’on retrouve collaborant avec la quasi-totalité des gouvernements et des plus grandes entreprises du monde. En Afrique, par exemple, McKinsey s’est emparé du marché des plans de vision stratégique pour les gouvernements africains, à savoir les documents « Vision 2030 » ou « Vision 2050 », omniprésents et dont presque personne ne tient compte.

McKinsey est considéré comme l’une des firmes de conseil les plus florissantes au monde. Une partie de sa formule gagnante consiste à recruter un nombre important des meilleurs étudiants dans les plus grandes écoles de management du monde, notamment ceux dont les parents sont très influents, comme les Clinton aux États-Unis ou les membres de la famille royale Saoudienne.

La caractéristique de tous ces cabinets de conseil est qu’ils sont des partisans inconditionnels de l’idéologie du libre marché. Depuis des dizaines d’années, leur avis a lourdement contribué à la financiarisation de l’économie mondiale. McKinsey a conseillé toutes les banques d’investissement sur « la titrisation des créances hypothécaires », responsable du krach financier de 2008. Lorsqu’ils conseillent les grandes entreprises clientes, leurs recommandations englobent systématiquement l’augmentation de la rémunération du PDG, la réduction des coûts de main-d’œuvre et des effectifs. Quant aux gouvernements, ils se voient toujours conseiller la déréglementation et la privatisation. Cependant, ce n’est pas seulement l’aspect éthique de leurs avis qui les rend si sujets à controverse. C’est le fait qu’un nombre très élevé de leurs collaborateurs poursuivent leurs carrières en acceptant des postes à très hautes responsabilités dans les grandes entreprises et des rôles majeurs dans les gouvernements et les organismes inter-gouvernementaux, tels que la Banque mondiale, le FMI et l’Union européenne. On désigne parfois ce phénomène sous le nom de « consultocracie ».

La "consultocratie" consiste en des cabinets de conseil, champions du marché libre, qui conseillent les gouvernements en matière de déréglementation et de privatisation et qui augmentent la rémunération des PDG, réduisent les coûts de la main-d'œuvre et réduisent les effectifs des entreprises clientes, tout en veillant à ce que leurs anciens employés occupent des postes clés au sommet. Photo Unsplash.

Il en résulte que les cabinets de conseil se retrouvent impliqués dans des réseaux qui ont des champs d’influence très étendus et d’intenses conflits d’intérêt. Ces consultants expliquent aux grandes entreprises comment gagner sans vergogne encore plus d’argent, montrent aux gouvernements comment réglementer les secteurs dans lesquels opèrent ces grandes entreprises qui sont leurs clientes, tandis que les employés de ces dernières se voient attribuer des postes à responsabilité tant au sein de sociétés que des gouvernements, qui continuent à les payer pour leurs prestations de conseil. Pour prendre un exemple, McKinsey a été employé dans le monde entier pour conseiller les gouvernements sur l’organisation de la réponse à la pandémie de COVID, ce à quoi s’ajoutent des contrats de conseil de plusieurs millions de dollars émanant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pendant la pandémie, Pfizer a recruté un partenaire senior de McKinsey aux fonctions de directeur de l’innovation. C’est lui qui a la responsabilité de conclure des contrats d’achats des vaccins COVID avec les gouvernements.

L’industrie du financement de la conservation est ainsi tombée elle aussi dans les filets de la consultocratie. Dans tout ce secteur, on retrouve non seulement d’anciens employés de banques d’investissement comme Goldman Sachs, mais aussi des bataillons entiers d’anciens consultants. Dans la liste suivante, tous sont d’anciens collaborateurs de McKinsey :

  • Henry Paulson, ex-collaborateur de Goldman Sachs, ex-membre du gouvernement américain, aujourd'hui à la tête du Paulson Institute pour le financement de la conservation.

  • Tidjane Thiam, ex-PDG du Crédit Suisse, cité au début de ce rapport.

  • Plusieurs hauts responsables de TNC, dont le seul représentant d’Afrique dans le conseil d’administration de TNC, Edwin Macharia, aujourd'hui associé senior de Dalberg Advocates, et spécialisé dans le secteur de l’agriculture et de l’industrie pharmaceutique en Afrique.

  • La senior vice-présidente du WWF, Sheila Bonini, ex-collaboratrice de Merrill Lynch et de Goldman Sachs.

  • Le vice-président de l’Environmental Defense Fund, Ben Ratner.

  • Manish Bapna, directeur général du World Resource Institute (WRI), l’une des organisations les plus influentes qui préconise des solutions commerciales de sauvetage de la nature.

  • Nishan Degnarian, ancien membre du gouvernement de Maurice et du Royaume-Uni, a été le conseiller principal du Forum économique mondial dans le domaine des stratégies océaniques. Il est aujourd'hui conseiller spécial en stratégies océaniques auprès du gouvernement chinois.

On pourrait continuer à compléter cette liste, avec des hauts responsables en financement de la conservation issus d’autres cabinets de conseil tels que le Boston Consulting Group et Bain, sans compter les nombreux ex-collaborateurs de McKinsey occupant des postes-clés dans les organes des Nations Unies et dans les banques de développement multilatéral, ainsi qu’au FMI.

Alors que leurs membres ont été recrutés aux postes à responsabilité des plus grandes organisations de conservation du monde, il semble en outre que ces cabinets de conseil soient les auteurs de la plupart des principales études et publications internationales sur le financement de la conservation. Le WWF, par exemple, a confié au Boston Consulting Group la réalisation de sa très influente étude sur la valeur économique de l’économie bleue. Il a en outre collaboré avec McKinsey et le Crédit Suisse sur une série d’études sur la pénurie de financement de la biodiversité et les stratégies de ciblage des investissements de clients à valeur nette extrêmement élevée. Les rapports du TNC sur la pénurie de financement de la biodiversité ont été co-rédigés par McKinsey et J. P. Morgan, tandis que l’IUCN a choisi McKinsey et le Crédit Suisse pour ses rapports-phare.

Une autre initiative de l’économie bleue au profil prestigieux est la Blue Nature Alliance, formée par Conservation International, Pew Charitable Trust et le Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Elle fait elle aussi appel aux services consultatifs de McKinsey. Les cabinets de conseil ne servent par conséquent pas seulement de pourvoyeurs d’emplois pour les hauts responsables de l’industrie du financement de la conservation, mais sont aussi largement considérés comme les maîtres à penser et les instituts de recherche les plus compétents dans ce domaine.

Les implications de cette situation se traduisent dans l’approche des Nations Unies face à l’urgence climatique. L’envoyé spécial des Nations Unies en charge du financement du changement climatique est Mark Carney. Ancien de Goldman Sachs, il a été vivement critiqué pour avoir payé des millions à des consultants de McKinsey qu’il avait chargé de réviser les réformes de la Banque d’Angleterre, dont il avait été le premier gouverneur après sa privatisation. Il avait dans la foulée nommé un consultant de McKinsey comme son directeur général des opérations, lequel avait ensuite démissionné suite à des allégations de conflits d’intérêts. Mark Carney a créé un Groupe de travail sur le financement du climat auquel participent des investisseurs tels que Black Rock et des banques, dont Goldman Sachs. L’organisation choisie pour réaliser les études pour ce groupe de travail et lui prêter assistance est, bien entendu, McKinsey.

Un ancien dirigeant désabusé de l’IUCN aux États-Unis argumente que l’industrie du financement de la conservation est en réalité la « McKinseyisation de l’environnementalisme ».

Conclusion : Les implications de l’industrie du financement de la conservation

L’essor de l’industrie du financement de la conservation représente un mouvement radical qui a des implications profondes sur la gestion de la perte de la biodiversité et de la crise climatique. Les conflits idéologiques qu’il pose pour les autres mouvements de la conservation sont frappants. Fondamentalement, cette industrie présente le sauvetage de la planète comme une opportunité importante de profit et de croissance économique. Elle s’inscrit donc en opposition directe à l’évidence grandissante que la croissance économique est incompatible avec des écosystèmes durables. Alors que le financement de la conservation s’appuie sur l’idée d’une « pénurie du financement de la biodiversité », elle détourne subtilement l’attention du rôle central de l’affluence et de la surconsommation. Il est alarmant que tant de puissants organismes de la conservation adhèrent à cette vision, en dépit de toutes les preuves invalidantes. La possibilité est donc bien réelle qu’ils agissent ainsi pour faire financer leurs projets de conservation et préserver les salaires exorbitants de leurs collaborateurs.

Le concept de pénurie du financement de la biodiversité est dangereux. Il fausse la réflexion sur les causes de la pollution et de la destruction des écosystèmes. L’idée présentée par TNC et par des individus comme Henry Paulson, fixant à 47 milliards de dollars le coût nécessaire pour convertir les pêcheries en une activité durable, est absurde. Ce n’est pas l’absence de financement qui est à l’origine de la pêche non durable, mais plutôt une multitude de problèmes qui ont été créés par une omniprésence de la finance. Cela met en lumière l’erreur fondamentale qui consiste à croire que le sauvetage de la planète est un défi lié à l’investissement. Imaginer que l’on puisse uniquement pallier cette pénurie avec des capitaux privés, parce que le financement public est insuffisant, permet de fermer tranquillement les yeux sur le fait que le secteur financier a réduit le financement public destiné aux dépenses environnementales et sociales. Il n’est pas inévitable que les 1 % doivent sauver la planète en investissant leur fortune avec la promesse d’un retour alléchant. Il existe de bien meilleurs mécanismes qui sont capables de réallouer les ressources.

L’industrie du financement de la conservation doit se voir opposer une contestation vigoureuse. Cinq tâches importantes permettant une surveillance critique de ses agissements peuvent être définies :

  1. SUPERVISION ET IMPUTATION DES RESPONSABILITÉS

Le sujet de préoccupation le plus évident concernant l’industrie du financement de la conservation est peut-être le greenwashing, l’écoblanchiment. On peut le comprendre à deux niveaux. Le premier est que cette industrie finance des projets et des initiatives qui génèrent des profits pour les investisseurs, mais sans réelles retombées positives pour l’environnement.

Le second est que le financement de la conservation est une activité soutenue par des organisations et des individus qui continuent à s’engager dans des investissements – et ce, à bien plus grande échelle - qui détruisent la planète. C’est le cas aujourd'hui, comme le démontrent de nombreux rapports dénonçant les banques qui soutiennent d’un côté le financement de la conservation, et d’un autre côté, investissent largement dans les énergies fossiles, l’agriculture industrielle et des sociétés destructrices de forêts tropicales. C’est aussi un problème que l’on retrouve au sein des gouvernements et des organismes inter-gouvernementaux : une « obligation verte » permet de lever quelques millions de dollars, mais une autre obligation, dédiée au financement de l’exploration pétrolière, en lèvera, elle, des milliards.

Les problèmes de l’écoblanchiment dans le financement de la conservation sont aggravés parce que ce secteur est bien connu pour son aversion envers les réglementations et la supervision externe, auxquels elle préfère des arrangements volontaires et des évaluations par des tiers, en général réalisées par des cabinets de conseil. Le refrain habituel est que les réglementations contraignantes sont une entrave à l’innovation. Malheureusement, l’une des principales sources de supervision externe du financement de la conservation est en train de se réduire comme peau de chagrin : à savoir, le travail des ONG environnementales et, de plus en plus souvent, des chercheurs universitaires. À cet égard, l’une des menaces majeures découlant de la financiarisation réside dans les conflits d’intérêts qu’elle provoque. Pouvons-nous attendre de TNC ou du WWF qu’ils dénoncent les investissements de Goldman Sachs ou du Crédit Suisse alors qu’il a été révélé qu’ils investissent eux-mêmes dans des industries qui détruisent les écosystèmes ? Par chance, d’autres superviseurs prennent le relais, mais ils ne possèdent pas le profil public ou l’influence politique de ces grandes ONG environnementales.

2. DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION

Un autre sujet de préoccupation fondamental posé par la financiarisation est l’érosion de la démocratie. Les élites financières ont acquis un pouvoir sans précédent sur les processus décisionnels. Cette tendance s’est emparée des initiatives internationales de gestion du changement climatique, très clairement démontré par le fait que le groupe de travail des Nations Unies sur le financement de l’action climatique soit conseillé par des banques d’investissement, des fonds spéculatifs et des cabinets de conseil.

Les communautés locales touchées par les opérations de financement de la conservation ont du mal à comprendre le jargon coloré et truqué du secteur, mais peuvent être impressionnées par les présentations clinquantes qui promettent des millions de dollars. Photo : Canva Pro.

Les enjeux de l’imputation de la responsabilité démocratique sont tout aussi importants à des niveaux plus modestes. On peut ainsi évoquer les divers accords et instruments financiers développés par l’industrie du financement de la conservation à l’échelon national et sous-national. L’un d’entre eux, par exemple, consiste à exploiter la dette des pays en développement pour financer les projets de conservation, par exemple la création de zones marines protégées. Un problème qui se pose lorsque les initiatives de conservation deviennent tributaires du financement privé est qu’elles accroissent le pouvoir des intermédiaires financiers et des banques. Seuls ceux qui possèdent des contacts dans la haute finance peuvent opérer à un tel niveau.

Le financement de la conservation correspond à la nécessité de développer des projets et des initiatives avec le « consentement préalable et informé » de groupes marginalisés, tels que les communautés de pêche artisanale. Cependant, la nouvelle génération des chefs de file de la conservation provient des milieux de la finance et du conseil, où les idéaux de la démocratie et de la délibération sont contre-intuitifs. Leur univers est caractérisé par la vitesse et le désir de triompher, et ses valeurs sont la dissimulation, la ruse et la compétition.

L’industrie de la finance utilise en outre un vocabulaire d’exclusion qui ne fait qu’exacerber ces périls. Tout au long de l’histoire troublée de la finance internationale, tous ceux qui lui n’en faisaient pas partie ont été désorientés et induits en erreur par ce jargon haut en couleurs. La plupart d’entre nous ignorons les actions de l’industrie du financement de la conservation parce que nous n’en parlons pas le langage. C’est un aspect particulièrement important lorsqu’il s’agit d’obtenir le consentement des pays les plus pauvres et des communautés défavorisées, qui sont très vulnérables à des présentations clinquantes qui promettent des millions de dollars.

3. CRIME ET CORRUPTION

La financiarisation du monde, et l’avènement du « capitalisme de casino » se sont révélés être criminogènes. Les comportements totalement dénués d’éthique et souvent criminels et corrompus sont si courants dans le fonctionnement des marchés financiers qu’ils sont devenus normaux. Les dirigeants de la sphère du financement de la conservation sont les mêmes banquiers, gestionnaires de fonds spéculatifs et consultants qui se sont rendus coupables de multiples fraudes. Il est par conséquent dérangeant que le Crédit Suisse, pour ne citer que cet exemple, alors même qu’il organise ses conférences annuelles de financement de la conservation pour le sauvetage des océans, soit aussi au centre de l’un des plus grands scandales de corruption en Afrique. Ironiquement, ce scandale concerne le détournement de plusieurs milliards de dollars dédiés à la création d’une société thonière fictive.

De même, alors que McKinsey & Company s’érigent en maîtres à penser du financement de la conservation, la liste des scandales impliquant des consultants de McKinsey est phénoménalement longue. On les retrouve jouant un rôle central dans l’effondrement frauduleux d’Enron et dans la crise des opioïdes en Amérique, et porteurs d’une responsabilité écrasante dans le krach financier de 2008. Plus récemment, McKinsey a ressurgi au cœur de scandales de corruption de l’ordre de plusieurs millions de dollars dans des pays tels que la Mongolie et l’Afrique du sud, alors qu’il n’a pas hésité à accepter en parallèle un contrat de conseil auprès du gouvernemental saoudien, afin d’aider ce dernier à identifier plus efficacement ses dissidents politiques.

Le financement de la conservation donne à penser qu’il pourrait introduire une éthique environnementale dans les marchés financiers. Bien au contraire, il signe peut-être l’arrivée d’une industrie profondément immorale et corrompue. On en est droit de penser que les instruments financiers innovants conçus pour sauver la planète, dont beaucoup sont négociés avec une transparence limitée, sont eux-mêmes des opportunités d’enrichissement personnel et de fraudes financières.

4. AJOUT OU DÉTOURNEMENT DES FLUX D’INVESTISSEMENT

Le postulat de départ des partisans du financement de la conservation est que les sources traditionnelles de fonds dédiés à la conservation sont insuffisantes. Des capitaux privés sont par conséquent nécessaires pour pallier ce manque. Selon cette vision, le financement privé vient s’ajouter à d’autres flux de financement (publics, philanthropes). Mais les marchés financiers n’ont pas une relation aussi simple avec les autres pans de l’économie. L’histoire de la financiarisation a démontré que le secteur financier privé les bouleverse et les assèche.

Il s’agit d’un problème complexe qui peut facilement passer inaperçu. Toutefois, il existe déjà plusieurs accords de financement de la conservation qui se basent sur des aides mixtes au développement, ou qui utilisent l’aide au développement comme catalyseur incitant à la levée de financements privés. Dans ces cas, on peut facilement être tenté de supposer que l’aide publique a un effet démultiplicateur et qu’elle déclenche une augmentation du financement privé en faveur de la conservation. Mais d’un point de vue élargi, l’aide au développement et le financement public peuvent agir comme des subventions versées à l’industrie du financement de la conservation, avec pour conséquence la réduction de fonds qui auraient autrement été distribués à d’autres destinataires et à d’autres projets.

Les dirigeants du monde de la finance de la conservation sont les mêmes banquiers, gestionnaires de fonds spéculatifs et consultants en affaires qui se sont rendus coupables d'un grand nombre de fraudes. La finance de la conservation suggère d'apporter une éthique environnementale aux marchés financiers. Au lieu de cela, elle risque d'apporter au monde de la conservation de la nature une industrie profondément immorale et corrompue. Photo : Frank Busch.

Il est donc important de ne pas considérer la valeur nominale des fonds levés par le financement de la conservation comme les bénéfices nets de la conservation. De nombreuses études ont déjà révélé que les partenariats public-privé dans le domaine du développement peuvent créer un mirage, cachant le fait qu’ils ont fini par limiter les aides au lieu de les augmenter, tout en déviant les aides versées vers des individus et des organisations fortunés. Lorsque l’on analyse des accords, il est important de se demander combien les investisseurs ont retiré de ces transactions, qui sont les bénéficiaires des fonds et quelles aides ont été annulées en conséquence.

5. LA CONSERVATION, RENTABLE POUR LES RICHES

Le tout-financiarisé a une corrélation avec l’augmentation des inégalités. Si McKinsey aborde le sauvetage de la planète comme s’il s’agissait d’un projet, il n’est guère surprenant que ce soit une minorité qui se taillera la part du lion. Les communautés les plus pauvres seront sans doute laissées pour compte dans cette quête d’optimisation des gains. Pour illustrer ce risque, en mai 2019, la Banque mondiale a co-organisé une conférence avec l’ONG américaine Rare et la Banque interaméricaine de développement (IDB), intitulée « Mobilising capital for the oceans: The new frontier in natural infrastructure investment » [Mobiliser le capital pour les océans : la nouvelle frontière de l’investissement dans l’infrastructure naturelle, NDT]. Un résumé des objectifs comportait ce passage : « Les communautés doivent être capables d’absorber les capitaux et de mettre en œuvre les impacts sur les ressources marines, tout en générant les revenus fournissant les retours sur investissement. » On voit bien ici comment les communautés côtières sont dépeintes moins comme des bénéficiaires potentiels que comme des risques potentiels pour les investisseurs privés.

L’un des points noirs du financement de la conservation est que la nature doit être transformée en produit pour constituer un actif de valeur. Si la nature doit générer un retour sur investissement, elle doit être « contrainte » pour devenir plus efficace et plus rentable. Ce point est très important pour les océans et les secteurs comme les pêcheries, qui, en bien des endroits, ont une valeur précisément parce qu’ils ne produisent pas de surprofits. Henry Paulson terminait son introduction dans son rapport sur « les solutions pour pallier la pénurie du financement de la biodiversité » en ces termes :

L’argument économique en faveur de la protection de la nature est sans appel. Toutefois, nous devons aussi nous rappeler qu’il existe une raison prédominante qui justifie de préserver la nature uniquement pour ce qu’elle est. La nature est la plus grande source de beauté, d’inspiration, d’innovation et d’intérêt intellectuel ; elle est en fait, tout ce qui fait la beauté de la vie. En ce sens, la nature n’a pas de prix.”
— Henry Paulson, "Financing nature", 2020.

Et pourtant, comme Paulson le sait très bien, cette nature qui n’a pas de prix, et qui doit être protégée des égarements du capitalisme, est aujourd'hui entre les mains de ceux qui sont sans doute les moins qualifiés de toute la planète pour veiller sur elle : des collaborateurs de McKinsey et de Goldman Sachs.

Photo de l’entête: Unsplash.