La nuit à la belle étoile: La communauté de Kouléwondy continue d'utiliser le site de débarquement détruit

En décembre 2019, la CAOPA et ses partenaires ont dénoncé l’éviction forcée d’une communauté de pêcheurs du site de débarquement et transformation de poisson de Kouléwondy, dans la commune de Kaloum à Conakry.

La raison, la location du terrain de la part du gouvernement guinéen au groupe hôtelier Mangalis pour la construction d’un hôtel en 2016. Ce bail de 60 ans avait été signé sans consultation avec le Ministère de la pêche ni d’ailleurs avec la communauté affectée, qui utilise ce site depuis plus d’un siècle.

En février 2020, par une lettre, le Ministre de la pêche avait fait part à la CAOPA et CAPE de sa volonté d’accompagner la communauté, de 800 pêcheurs, mareyeuses et femmes transformatrices, pour trouver un site alternatif. Il s’y engageait « conformément aux obligations internationales souscrites par la Guinée, en tenant compte des contraintes de moyens et d’espace disponibles » pour que la communauté puisse « continuer à exercer [ses] activités dans les meilleures conditions possibles ».

Un an plus tard, et après un processus électoral houleux qui a abouti à une reconduction du président sortant, qu’en est-il de la communauté de Kouléwondy ?

Selon la communauté elle-même, depuis la lettre du Ministre, aucune action n'a été entreprise. On avait par avant suggéré aux 300 femmes transformatrices de rejoindre le site de Téminétaye, qui accueille déjà 350 femmes et où il n’y a pas suffisamment de place. Aucune solution n’a été avancée non plus pour les pêcheurs. « Trois environnementalistes venus d’Europe ont une fois rendu visite aux communautés des pêcheurs. Mais il n'y a eu aucun changement », se lamente un membre de la communauté locale. Le gouvernement avait promis aussi d’agrandir cet espace alternatif non loin de l’ancien site de débarquement pour y installer les déguerpis. Néanmoins, rien n’a été fait.

 
La communauté continue d'utiliser le site de débarquement rempli de décombres laissés par les bulldozers, dans des conditions sanitaires précaires. Photos : Mamadou Aliou Diallo/REJOPRA.

La communauté continue d'utiliser le site de débarquement rempli de décombres laissés par les bulldozers, dans des conditions sanitaires précaires. Photos : Mamadou Aliou Diallo/REJOPRA.

 

L’ancien site, pour sa part, continue à grouiller d’activité en journée, avec des débarquements de poisson. Suite aux protestations des communautés, au soutien international à leur cause, et au manque de coordination entre les Ministères, qui a abouti à un blocage au niveau du gouvernement, il semblerait que l’hôtel ait pour l’instant laissé tomber ses intentions d’utiliser ou de construire sur la partie du terrain où se trouvait le site de Kouléwondy. Les femmes et les pêcheurs ont décidé de rester et ils continuent à passer la nuit à la belle étoile, entre les décombres abandonnés par les bulldozers. « L’espace vide commence peu à peu à devenir un dépotoir d’ordures », explique la même source.

Les pêcheurs et les femmes transformatrices continuent donc à exercer leurs activités dans des conditions insalubres, avec la menace latente d’être un de ces jours, encore une fois, repoussés vers nulle part.

Alors que des discussions sont en cours du côté européen pour envisager de reprendre le dialogue avec la Guinée, en vue d’éventuelles négociations pour la mise en place d’un partenariat pour une pêche durable, il est essentiel que les besoins des communautés de pêche artisanale guinéennes, en particulier celle de Kouléwondy, soient pris en considération, y compris la garantie d’avoir des conditions de travail sûres et décentes.