Afrique de l’Ouest : PESCAO devra être plus efficace et attentif à la pêche artisanale

Le programme PESCAO pour l’amélioration de la gouvernance des pêcheries en Afrique de l‘Ouest, financé par l’UE sur les fonds du 11ème FED Régional a démarré en juin 2017 et s’achèvera en juin 2024.

Après près de 4 années, une évaluation est en cours pour apprécier les résultats obtenus, et voir comment améliorer sa mise en œuvre, dans un contexte où les pays de la région CEDEAO mettent l’accent sur le développement d’une stratégie d’économie bleue.

Le programme pescao

Le budget de PESCAO est de plus de 17 millions d’euros, et bénéficie aux États membres de la CEDEAO et à la Mauritanie. Les principaux résultats attendus du programme sont :

- Le développement d’une politique régionale Ouest-Africaine pour les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, y compris l’amélioration de la coordination des parties prenantes à l’échelle régionale ;

- L’amélioration des capacités de suivi, contrôle et surveillance afin d’aider à la lutte contre la pêche INN ; et

- L’amélioration du cadre régional de gestion des ressources partagées, en particulier les petits pélagiques.

A cette occasion, CAPE et la Confédération Africaine des organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA) ont réaffirmé, dans une lettre à la Commission européenne, leur appui pour un tel projet régional soutenant le développement de pêcheries durables en Afrique de l’Ouest, et ont partagé leurs recommandations pour une meilleure efficacité de sa mise en œuvre.

La coordination des parties prenantes : le renforcement des organisations nationales reste un enjeu

Le programme PESCAO a donné un appui important à la mise sur pied de la plateforme des acteurs non étatiques pêche en Afrique de l’Ouest (PANEPAO). Pour la CAOPA, qui préside le PANEPAO, l’appui de PESCAO a été utile pour établir un mécanisme permanent de consultation des acteurs non étatiques, officiellement reconnu par les autorités. Cependant, les plateformes d’acteurs non-étatiques, dont le PANEPAO, n'ont pas atteint leurs objectifs en termes de renforcement des organisations locales. Il n’appartient d’ailleurs pas aux gouvernements de financer directement des organisations professionnelles si on veut que ces organisations demeurent indépendantes.

Ce qui pourrait être amélioré, c'est le renforcement de capacités des plateformes pour pouvoir mieux dialoguer avec les Etats au niveau national, et intervenir dans les processus internationaux où l’Afrique de l’Ouest est impliquée, par exemple le partenariat Europe-Afrique. A ce jour, les plateformes d’acteurs non étatiques, y compris le PANEPAO n'ont reçu de la part de PESCAO ou des autorités aucune information sur les enjeux de ce partenariat pour la pêche (comme par exemple la mise en place d’une Task Force économie bleue).

Renforcer la participation active des acteurs non étatiques au niveau national passe également par assurer qu’ils soient bien informés. Le programme PESCAO pourrait mettre un accent plus important sur la transparence, au niveau de la gestion des pêcheries, comme au niveau des activités de l’économie bleue.

La transparence dans la gestion des pêches et de tout autre usage des océans (autres activités de l’économie bleue) est essentielle pour une participation active et informée des parties prenantes, y compris les femmes. Photo: Le marché à Bissau, par Carmen Abd Ali.

Sur ce dernier point, CAPE et CAOPA ont insisté pour que le programme PESCAO, dans le cadre du renforcement de la coordination des parties prenantes pour un dialogue structuré avec les Etats, contribue à mettre en place des mécanismes transparents de consultation et de résolution des conflits entre tous les usagers des espaces maritimes ouest africains, - les secteurs de l’économie bleue-, qui permettent une participation informée et active des communautés de pêche affectées.

Le Suivi, Contrôle et Surveillance : des collaborations à intensifier

Sur ce point, la coopération avec EFCA, que ce soit pour les opérations d’inspections conjointes, au port ou en mer, ou pour des formations d’inspecteurs organisées soit à Vigo ou dans les Etats de la région, sont très appréciées de tous. Cette collaboration avec EFCA devrait être soutenue et renforcée à travers le programme PESCAO.

Pour améliorer le SCS, un système régional VMS performant est important. PESCAO a essayé de le faire, en apportant une aide technique pour l’acquisition d’équipements et en coordonnant les systèmes VMS nationaux. Cela ne s’est pas toujours révélé efficace, car les systèmes nationaux rencontrent souvent des difficultés, comme au Ghana, où le système a été interrompu lorsque le paiement du fournisseur n’avait pas été effectué.

Il nous semble plus judicieux de mettre en place une plateforme VMS régionale centralisée à laquelle les pays pourraient accéder.

Le programme PESCAO pourrait également soutenir les initiatives de surveillance participative, à travers lesquelles la pêche artisanale collabore au SCS : Les pêcheurs reçoivent du matériel, comme des GPS et des radios, pour communiquer directement avec le Centre national de surveillance, qui peut alors arrêter plus rapidement les navires engagés dans la pêche INN.

Il est nécessaire d’établir un cadre juridique clair pour les initiatives de surveillance participative, où les pêcheurs collaborent au suivi, contrôle et surveillance en avertissant les autorités de navires suspects d’être engagés dans la pêche INN. Photo: Plage de Kafountine, au Sénégal, par Mediaprod.

Cependant, il est nécessaire d'établir un cadre juridique spécifique pour la surveillance participative, en définissant clairement les responsabilités des pêcheurs et le soutien à apporter à leurs actions de surveillance participative. Il est nécessaire également d'assurer qu'il y a suffisamment de ressources (humaines, financières, humaines, financières, techniques) budgétées pour agir efficacement sur la base des informations fournies par les pêcheurs. Sans se substituer aux prérogatives régaliennes de l’Etat côtier, ce dispositif permet de lutter efficacement contre la pêche INN, et le programme PESCAO pourrait aider les Etats tant au niveau de l’élaboration d’un cadre légal adapté que de l’appui direct à ces opérations.

Zéro pointé pour le projet Gestion et Résilience des Pêcheries de petits Pélagiques en Afrique de l’Ouest

CAOPA et CAPE constatent que le projet GREPPAO n’a apporté aucune valeur ajoutée. Il y a eu que très peu de production de recherches nouvelles et aucun lien n’a été fait entre cette recherche et les besoins en avis scientifiques pour la gestion durable des petits pélagiques dans la région.

Il serait beaucoup plus intéressant de concentrer les efforts de PESCAO sur une contribution directe à la mise en œuvre de mécanismes de gestion régionaux ou sous-régionaux des petits pélagiques, notamment en renforçant les moyens et les capacités du groupe de travail pêche artisanale du COPACE. Il est important que la future contribution du PESCAO sur ces enjeux s’inscrive dans une dynamique de coopération avec les initiatives existantes (renforcement de la recherche sur les petits pélagiques dans l’APPD UE-Mauritanie, etc).

Conclusion

Il faut rappeler que, en Afrique, avec plus de 10 millions de personnes employées, la pêche artisanale est le plus grand des secteurs de l'économie bleue africaine, assurant la sécurité alimentaire et la nutrition de plus de 200 millions d'Africains. Un rapport récent de la BAfD souligne que la population africaine devant atteindre 1,7 milliard d'habitants en 2030, nourrir cette population au niveau actuel de consommation par habitant de produits halieutiques nécessitera 13 millions de tonnes de poissons marins en 2030, soit 6 millions de tonnes de plus qu’actuellement pêchées.

Cette situation est vraie également dans les pays ouest africains, où la pêche artisanale joue un rôle crucial pour nourrir les populations locales. C’est pourquoi, dans le cadre du programme PESCAO, un accent plus grand devrait être mis sur l’amélioration de la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire :

  • En renforçant les chaines de valeur, en particulier les conditions de vie et de travail des femmes dans la pêche artisanale. La dimension “genre” du projet devrait être en effet considérablement accentuée ;

  • En soutenant le développement d’une aquaculture à petite échelle responsable, n’encourageant pas les activités de pêche intensive de petits pélagiques destinés aux usines de farines et huiles de poissons (dont certaines sont européennes) ;

  • Sur le modèle des PAN-INN, en soutenant l’élaboration de Plan d’action régionaux, sous-régionaux et nationaux pour la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale durable, ainsi que des appuis spécifiques aux renforcements des cadres légaux à cet effet.




Photo de l’entête: Des pêcheurs à Kafountine (Sénégal), par l’Agence MEDIAPROD.