Les eurodéputés appellent la Commission à se servir des accords de partenariat de pêche comme levier pour une gestion régionale en Afrique de l’Ouest

La Commission Pêche du Parlement européen (PECH) a réaffirmé le mercredi 11 mai l’importance de prioriser le poisson pour la consommation humaine plutôt que de l’utiliser comme « matière première pour l'industrie alimentaire ».

Elle a appelé l’UE à soutenir, dans le cadre de l’Accord de partenariat pour une pêche durable (APPD), la Mauritanie pour « empêcher la surpêche des petits pélagiques et de mettre fin aux effets négatifs de l'industrie des farines et huiles de poisson ».

Les eurodéputés ont aussi demandé à l’UE, à la Mauritanie et aux pays voisins de collaborer pour mettre en place une Organisation régionale de gestion des pêches (ORGP) pour la gestion des stocks partagés en Afrique de l’Ouest.

Plan de gestion des petits pélagiques, sine qua non

L’APPD UE-Mauritanie est l’accord le plus onéreux pour l’Union, car elle verse plus de 60 millions par an pour que ses flottes puissent accéder aux eaux mauritaniennes. Ce nouvel APPD pourra permettre aux chalutiers ciblant les petits pélagiques de venir pêcher plus près de la côte, passant de 20 miles à 15 miles, mais à condition que la Mauritanie mette en place un plan de gestion pour les petits pélagiques, stocks partagés avec les pays voisins et dont certaines espèces sont surpêchées. Le phénomène est aggravé par la croissance exponentielle de l’industrie de la farine et l’huile de poisson.

Depuis plusieurs années, la société civile et les organisations locales et d’Afrique de l’Ouest de pêche artisanale réclament une gestion régionale concertée. Dans une lettre au Parlement la semaine dernière, plusieurs acteurs demandaient que les usines « n'utilisent que des déchets de poisson et non du poisson propre à la consommation humaine » et que les « capacités de transformation et de conservation des petits pélagiques pour la consommation humaine » soient développés, notamment avec l’appui sectoriel. Les acteurs se plaignaient aussi de voir peu de retombées de l’accord.

Les eurodéputés ont fait écho de cette demande dans la résolution en appelant à la commission mixte UE-Mauritanie de promouvoir, dans le cadre de l’appui sectoriel de l’APPD, des « projets d’infrastructure qui permettront d'augmenter la consommation locale de produits de la pêche » ainsi que « de financer des projets bénéficiant directement à l'ensemble de la chaîne de valeur de la pêche artisanale mauritanienne ».

Les membres de PECH n’ont malheureusement pas réagi à une demande soutenue par la pêche artisanale mauritanienne : celle de réserver la pêche au poulpe pour les nationaux. Bien que l’accord maintienne le tonnage de référence pour les céphalopodes à 0, les pêcheurs mauritaniens souhaiteraient voir la déclaration présidentielle de 2012 inscrite dans la loi nationale. Ils s’inquiètent que des bateaux d’origine étrangère ciblant le poulpe passent « par la petite porte » en prenant le pavillon mauritanien pour pouvoir accéder à cette ressource. À cet effet, les eurodéputés ont malgré tout voté un amendement, inédit, exprimant « ses préoccupations concernant la pratique du changement de pavillon dans les eaux mauritaniennes en particulier et dans la région en général ».

Plus de transparence et de suivi de l’appui sectoriel par le Parlement

La Mauritanie a publié son deuxième rapport de l’initiative de transparence dans la pêche (FiTI) la semaine avant le vote de la résolution au Parlement, ce qui n’a pas permis de modifier le texte qui ne mentionnait que le premier rapport, pas très complet. PECH a souligné les avancées dans la transparence dans le pays ouest-africain mais a cependant demandé de « publier les données les plus récentes » et de fournir « des informations complètes sur tous les navires pêchant dans ses eaux, dans un format clair » pour plus de visibilité sur l’effort de pêche total.

Le Parlement a de nouveau réaffirmé l’importance de la publication des rapports annuels sur l’utilisation des fonds de l’appui sectoriel, une demande de longue date de la société civile européenne. PECH semblerait vouloir avoir un rôle plus actif dans le suivi de ces accords de pêche en suggérant « une présentation au Parlement des actions ou mesures les plus pertinentes ou ayant le plus d'impact » de l’appui sectoriel. Il faut souligner que, la plupart du temps, au-delà du vote en faveur ou contre un APPD, accompagné d’une résolution non contraignante avec quelques lignes directrices pour la Commission, le Parlement ne fait pas de suivi de la mise en œuvre de l’appui sectoriel de ces accords.

 


Photo de l’entête: Le président de PECH, M. Pierre Karleskind à une audition sur l’aquaculture, photo d’illustration par Vincent van Doornick/Parlement européen.