La « politique commune de la pêche demain » va-t-elle soutenir la pêche artisanale durable en Afrique ?

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La Commission a présenté plusieurs mesures visant à améliorer la durabilité du secteur européen de la pêche et de l'aquaculture. Elle comprend quatre éléments : La transition énergétique, un plan d'action pour protéger et restaurer les écosystèmes marins, une communication sur la « politique commune de la pêche aujourd'hui et demain » et un rapport sur l'organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture.

● 2022 était l'Année internationale de la pêche et de l'aquaculture artisanales (IYAFA). Des organisations de pêche artisanale d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, d'Europe et du Pacifique ont lancé un Appel à l'action donnant à leurs gouvernements pour 5 priorités d'action d'ici 2030.

● D'une part, l'approche de l'économie bleue pousse au développement d'autres utilisations des océans, et d'autre part, les pêcheries sont de plus en plus dirigées par des politiques environnementales et de systèmes alimentaires ; ce qui fait que la pêche passe au second plan des priorités. Or, en Afrique, la pêche artisanale produit de la nourriture et fait vivre des millions de personnes. Les pêcheurs sont préoccupés et ont surnommé cette inquiétude “peur bleue”.

Les politiques de l'UE qui influencent les relations en matière de pêche avec les pays africains, notamment les APPD et les prises de position dans les ORGP, l'économie bleue, l'aide au développement et le commerce, devraient garantir que les pêcheries artisanales sont soutenues et protégées de manière adéquate.

Aujourd’hui, la Commission européenne a présenté un ensemble de mesures visant à « améliorer la durabilité et la résilience du secteur de la pêche et de l'aquaculture de l'UE » : une communication sur la politique commune de la pêche aujourd'hui et demain, un rapport sur l'organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture, une communication sur la transition énergétique du secteur de la pêche et de l'aquaculture de l'UE et un plan d'action visant à protéger et à restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente.

Réformée en 2013, la politique commune de la pêche actuelle repose sur trois piliers : le règlement de base de la politique commune de la pêche (règlement (UE) n° 1380/2013), qui encadre, dans son chapitre sur la dimension extérieure, les positions de l'UE dans les organisations régionales de gestion des pêches et les accords de partenariat pour une pêche durable (APPD) ; l'organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture (règlement (UE) n° 1379/2013) et le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (règlement (UE) n° 508/2014) qui sert d'outil financier pour contribuer à leur mise en œuvre.

Le règlement relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes - SMEFF (règlement (UE) 2017/2403) complète le cadre réglementaire et fixe les règles régissant les activités des flottes de pêche de l'UE dans les eaux non communautaires et internationales, en établissant des conditions d'éligibilité communes pour les navires de l'UE opérant à l'étranger, y compris les accords directs entre les entreprises européennes et les pays tiers.

Pour CAPE, la question est de savoir si la « PCP demain » jouera un rôle positif pour le développement durable de la pêche artisanale dans les pays africains. En effet, l'Année Internationale de la Pêche Artisanale et de l'Aquaculture (IYAFA) en 2022, a été un tremplin pour les communautés de pêche artisanale dans le monde, y compris en Afrique, pour montrer le rôle clé qu'elles jouent pour atteindre les Objectifs de Développement Durable.

La pêche artisanale africaine apporte une contribution irremplaçable à la société, en fournissant des emplois à des milliers de personnes, de la nourriture à des millions de personnes et en maintenant vivante une culture qui rend les communautés côtières africaines résilientes. Par conséquent, les politiques de l'UE qui façonnent les relations avec les pays africains dans le domaine de la pêche, y compris les APPD et les prises de position dans les ORGP, l'économie bleue, l'aide au développement, le commerce, devraient garantir que les pêcheries artisanales sont soutenues et protégées de manière adéquate.

L'UE A aussi été appelée à l’action en faveur de la pêche artisanale

En 2022, un réseau d'organisations de pêche artisanale, dont la Confédération africaine des organisations de pêche artisanale (CAOPA), a lancé un appel à l'action, adressé à tous les gouvernements, pour qu'ils fassent davantage en faveur de la pêche artisanale. Ils ont conjointement identifié cinq domaines prioritaires que les gouvernements devront mettre en œuvre d'ici 2030 :

  1. Accorder un accès préférentiel aux ressources pour la pêche artisanale et garantir que 100 % des zones côtières soient cogérées ;

  2. Reconnaître et promouvoir le rôle et la participation des femmes dans la pêche ;

  3. Protéger la pêche artisanale des secteurs concurrents de l'économie bleue ;

  4. Assurer la transparence et la redevabilité dans la gestion de la pêche ; et

  5. Construire des communautés résilientes pour faire face au changement climatique et offrir des perspectives aux jeunes.

CAPE examinera la proposition de révision de la PCP en utilisant l'appel à l'action de la pêche artisanale comme boussole.

En particulier, nous examinerons comment la PCP révisée répond aux priorités des pêcheurs, y compris comment elle :

  • Contribuera à assurer, notamment par le biais des APPD, la protection de la zone côtière des pays africains contre la pêche industrielle d'origine étrangère ;

  • Promouvra un système d'allocation des ressources qui donne la priorité à ceux qui pratiquent une pêche durable pour la consommation humaine et contribuent le plus aux économies locales, en particulier la pêche durable à petite échelle (par le biais des positions de l'UE dans les ORGP et d'autres initiatives (sous-)régionales) ;

  • Veillera à ce que les protocoles des APPD donnant accès aux stocks de poissons partagés entre pays voisins soient fondés sur des preuves scientifiques d'un excédent (UNCLOS) au niveau régional approprié ;

  • Élaborera des outils pour traiter les cas de navires dont les propriétaires sont européens, battant pavillon de pays tiers, qui menacent la pêche artisanale par leurs opérations non durables et détruisent les écosystèmes dont ces pêcheurs dépendent pour leur subsistance ;

  • Améliorera la transparence et la redevabilité dans la gestion de la pêche, conformément aux normes internationales les plus exigeantes de l'Initiative pour la transparence dans les pêches (FiTI), par exemple en incluant un article sur la transparence dans tous les APPD, en supprimant les clauses de confidentialité et en publiant les rapports sur l'utilisation des fonds pour l’appui sectoriel ;

  • Soutiendra, notamment par le biais de l’appui sectoriel des APPD (et en coordination avec d'autres initiatives financées par l'UE), (1) la participation des pêcheurs, hommes et femmes, à la gestion des pêches (y compris la surveillance participative pour contribuer à lutter contre la pêche INN, la recherche, etc.), (2) améliorera les conditions de vie et de travail des femmes dans la pêche artisanale et (3) soutiendra la coopération régionale pour la gestion des ressources.

  • S'assurera que les actions financées dans le cadre de l’appui sectoriel des APPD, dans le cadre du soutien à l'économie bleue, ne menacent pas la pêche artisanale (soutien à l'aquaculture, aux AMP, etc.).

La « peur bleue » des pêcheurs artisans sera-t-elle alimentée par lA nouvelle approche de l'UE en matière de pêche ?

La CE a également publié le « plan d'action visant à protéger et à restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente ». De nombreux acteurs du secteur de la pêche de l'UE ont souligné que l'avenir des pêcheries de l'UE sera de plus en plus déterminé par les politiques environnementales et concernant les systèmes alimentaires, dans la lignée du Green Deal. La pêche est désormais une priorité moindre pour l'UE, par rapport à d'autres utilisations de l'océan, comme la production d'énergie.

L'organisation Low Impact Fishers of Europe (LIFE) a souligné la manière dont la Commission européenne est en train de dessiner l'avenir : « les zones de pêche cèdent la place à la production d'énergie ; la production halieutique est remplacée par la production industrielle d'algues et l'aquaculture ». De tels développements créent une « peur bleue » pour les communautés de pêcheurs artisans en Afrique, et il sera également important, au-delà de la révision de la PCP, de surveiller si et comment une telle vision de l'avenir de la pêche sera projetée par l'UE dans ses relations avec les pays africains.

Photo de l’entête: Pêcheur à Kafountine, au Sénégal, par l’Agence Mediaprod.