Un traité ambitieux sur la haute mer ne doit pas se faire au détriment des communautés côtières de pêche artisanale

La cinquième session de la Conférence intergouvernementale (CIG) sur la biodiversité marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale (BBNJ) en est à sa deuxième semaine de négociations.

L'objectif de cette CIG est d'élaborer un nouvel accord dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, y compris les fonds marins et la colonne d'eau, c'est-à-dire les 61% de l'océan qui ne sont pas sous juridiction nationale.

La CIG a pour mandat de discuter, entre autres, des outils de gestion par zone, tels que les aires marines protégées (AMP), et des évaluations d'impact environnemental. À la suite de l'engagement pris par les gouvernements lors de la Conférence des Parties (COP15) de la Convention sur la diversité biologique de protéger 30 % des zones marines d'ici 2030, des pressions s'exercent pour protéger la haute mer, notamment par la création d'AMP, afin de contribuer à la lutte contre la perte de biodiversité.

S'il est vital de protéger la haute mer d'une exploitation irréfléchie, comme la surpêche des stocks de thon grands migrateurs ou la pression en faveur de l'exploitation minière en eaux profondes, il est également important de veiller à ce que le futur instrument ne porte pas atteinte aux droits des peuples autochtones et des communautés locales (PAIC), y compris les petits pêcheurs.

LES AMPS EN HAUTE MER NE DOIVENT PAS DÉPLACER LA PÊCHE DANS LA ZEE

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a noté en juin 2022 que « le droit international des droits de l'homme fournit un cadre solide pour protéger les droits de l'homme des hommes et des femmes de la pêche artisanale » et a exhorté « les pays à mettre activement en œuvre la Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales », rappelant que « les hommes et les femmes dans la pêche artisanale ont le droit de participer à tous les processus décisionnels susceptibles d'affecter leur vie, leurs terres et leurs moyens de subsistance ».

Les délégués doivent s'assurer que les droits des peuples autochtones et des communautés locales, y compris ceux de pêche artisanale, sont respectés. Cela signifie également que leur participation aux négociations devrait être informée et effective. Sur la photo, le chef de la délégation de l'UE lors des négociations, par l'IISD.

Il peut être difficile pour certains de voir quel impact aurait une décision en haute mer sur les communautés de pêche artisanale côtière. Pourtant, il y en a. Si des aires marines protégées (AMP) sont créées en haute mer sans que rien ne soit fait pour réduire la surcapacité de pêche existante dans certaines pêcheries hauturières, comme celle du thon, cela pourrait entraîner une concentration des flottes industrielles dans les zones économiques exclusives (ZEE) des pays en développement, notamment des petites îles et des États en développement (PEID).

La pêche artisanale contribue à l'économie, à la santé, à la culture et au bien-être des communautés côtières, notamment dans les PEID, et exerce ses activités dans les zones les plus proches de la côte. Une augmentation de l'effort de pêche dans les ZEE aurait un impact négatif sur les pêcheurs artisanaux, ce qui compromettrait davantage leur accès aux ressources marines. En outre, cela ferait peser une charge disproportionnée sur les PEID, qui ont déjà du mal à surveiller et à contrôler leurs eaux.

Les délégués doivent s'assurer que les AMP ou toute action dans le cadre du futur instrument BBNJ n'entraînent pas une augmentation de l'effort de pêche dans les ZEE. Les gouvernements doivent également continuer à coopérer avec les cadres et organismes pertinents, tels que les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), afin de garantir l'utilisation durable des ressources marines. Au niveau des ORGP, cependant, il est également nécessaire de revoir les critères d'allocation, afin de garantir que les droits des pêcheurs artisans soient pris en compte. La CAPE et la CAOPA continuent d'insister sur le fait qu'une nouvelle approche devrait allouer les quotas à ceux qui pêchent le plus durablement et apportent le plus d'avantages économiques et sociaux aux États côtiers.

LE CONSENTEMENT PRÉALABLE, LIBRE ET ÉCLAIRÉ EST AUSSI POUR LA HAUTE MER

Les organisations de pêche artisanale soulignent que « le processus 30x30 n'est possible que si les droits des peuples autochtones et des communautés de pêche artisanale sont reconnus, respectés et garantis par la loi » et insistent sur « l'urgente nécessité de mettre en œuvre une approche de la conservation marine fondée sur les droits humains ». Pour s'assurer que les droits des peuples autochtones et des communautés locales, y compris les pêcheurs artisanaux, sont respectés, ils doivent être en mesure de participer, de manière informée et inclusive, à la prise de décision qui les concerne, y compris les négociations en cours sur les BBNJ.

Nous sommes préoccupés par le fait qu'actuellement, aucune attention n'est accordée aux impacts sur les droits humains de ce futur instrument. Cet aspect devrait être considéré au-delà des évaluations d'impact environnemental. Le GIC doit prendre en compte les droits des peuples autochtones et des communautés locales (de pêche), ainsi que les principes inscrits dans les différents instruments relatifs aux droits humains (UNDRIP, UNDROP) et les directives sur la pêche artisanale durable. Ils devraient également utiliser le langage de la Convention sur la Biodiversité qui reconnaît que « rien dans ce cadre ne peut être interprété comme diminuant ou supprimant les droits que les peuples autochtones ont actuellement ou peuvent acquérir à l'avenir » et qui a pour objectif 1 de « veiller à ce que toutes les zones fassent l'objet d'une planification spatiale participative, intégrée et inclusive en matière de biodiversité [...] afin de ramener la perte de zones de grande importance pour la biodiversité, [...] à près de zéro d'ici 2030, tout en respectant les droits des peuples autochtones et des communautés locales ».

Photo de l’entête: Des femmes pêchant des crabes en Guinée Bissau, photo par Carmen Abd Ali.