Sous-comité du commerce du poisson (FAO): Il faut mieux reconnaître le rôle des femmes dans la pêche

Le sous-comité du commerce du poisson, établi par le Comité des pêches de la FAO (COFI), tient sa 19ème session cette semaine à Bergen (Norvège).

Parmi les sujets discutés à cette réunion figurent les évolutions mondiales dans les secteurs de la pêche et l’aquaculture, les questions d’accès aux marchés et les points concernant la responsabilité sociale dans ces secteurs.

Parmi les 17 objectifs de développement durables (ODD) que les états membres des Nations unies ont accordé d’atteindre d’ici à 2030, l’objectif 14b appelle les gouvernements à garantir l’accès aux ressources et aux marchés pour la pêche artisanale. Nous faisons le point sur les enjeux pour la pêche artisanale africaine en vue des questions à l’ordre du jour de la réunion de ce sous-comité.

Mettre en lumière le travail des femmes dans la pêche

En Afrique, comme dans de nombreux pays en développement, les femmes sont le maillon essentiel qui permet d'acheminer le poisson jusqu'aux consommateurs. Néanmoins, leur travail n'est toujours pas reconnu, leur contribution, y compris en matière d'innovation, n'est pas valorisée et leurs conditions de travail et de vie sont désastreuses. Les documents préparatoires du sous-comité mentionnent qu’elles ont été durement touchées par les restrictions liées à la gestion de la crise du COVID-19, mais il faut également rappeler que souvent, durant cette crise, les femmes de la pêche artisanale ont continué, malgré les difficultés, à approvisionner le marché en poisson, évitant ainsi une crise alimentaire.

Étant donné que le sous-comité fournit des orientations pour les travaux futurs de la FAO dans le domaine du commerce international des produits de la pêche et de l'aquaculture, « principalement pour permettre aux pays en développement et aux petits producteurs de participer plus efficacement », il est fondamental de reconnaitre le rôle des femmes dans la pêche et l’aquaculture artisanales, et de travailler pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. Ceci pourrait se faire à plusieurs niveaux :

Collecte de données désagrégées par genre

La pêche artisanale dans son ensemble est négligée dans les statistiques officielles, en particulier les femmes. Il serait important d’améliorer la collecte de données désagrégées par genre, et la diffusion d'informations sur le secteur et sur le rôle des femmes, afin que leurs contributions, via la transformation et le commerce notamment, à la sécurité alimentaire, aux moyens de subsistance et à l'utilisation durable de l'océan soient plus visibles.

Développement de capacités et participation aux processus décisionnels de gestion

Il est important de donner aux femmes les moyens de s'organiser activement et de s'engager dans les organisations professionnelles et les processus décisionnels existants, y compris en ce qui concerne les décisions relatives à la gestion de la pêche ou encore à l’utilisation de l’espace côtier. En effet, une mauvaise gestion de la pêche, générant une surexploitation des ressources, ou bien le développement d’autres activités en compétition avec la pêche artisanale (tourisme, exploitation du gaz/pétrole, usines de farine, etc) ont des effets directs sur les débarquements de poisson et sur l’approvisionnement des femmes en matière première.

Création d’un environnement favorable à l’innovation

Les femmes sont porteuses d’innovations multiples au niveau des communautés côtières. Un environnement favorable pour que ces innovations puissent se développer est indispensable pour améliorer l’accès de la pêche artisanale aux marchés et la contribution de la pêche artisanale à la sécurité alimentaire des populations. Pour cela, il faut tout d’abord donner la priorité aux investissements dans les services et dans les infrastructures qui améliorent les conditions de vie des femmes et de leurs familles, telles que des logements décents, des crèches à proximité des sites de transformation ; ainsi que les former à l'utilisation des nouvelles technologies. Mais il s’agit aussi de fournir un accès à l’espace côtier pour leurs activités et un accès au financement pour soutenir l'innovation dans les techniques de transformation et de commercialisation.

Des plans d’action nationaux et régionaux

Des dispositions existent dans beaucoup de régions consacrant la libre circulation des biens et des personnes, mais dans les faits, il existe encore de nombreuses barrières au commerce régional des produits de la pêche, notamment le harcèlement des femmes sur les sites de transformation, les marchés, le long des routes commerciales et lors des contrôles aux frontières.

Le soutien par la FAO de la mise en place de plans d'actions nationaux pour la pêche artisanale est bienvenu. Néanmoins, comme le souligne souvent la Confédération africaine d’organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA), « il est essentiel que la mise en place de ces plans d’action se fasse avec une approche transparente, participative et sensible aux enjeux de genre ».

Par ailleurs, afin de faciliter le commerce de produits de la pêche artisanale au niveau régional, il faudrait aussi penser à développer des plans d’actions régionaux. Ceci à déjà été discuté, par exemple, au niveau de l’Organisation des états d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, en avril 2022, où les ministres de la pêche et l’aquaculture ont accordé de « prioriser la création d’un environnement législatif et réglementaire favorable à la pêche artisanale et à ses spécificités aux niveaux national et régional ».

une approche régionale

Au delà de l’appui de la FAO à des plans d’action nationaux pour la pêche artisanale, il faudrait aussi développer des plans d’actions régionaux, pour faire face aux barrières qui existent pour le commerce régional de poisson. Tous ces plans doivent être transparents, participatifs et sensibles aux enjeux de genre.

Le lien entre les marchés, l’utilisation des ressources aquatiques et la sécurité alimentaire

Le Sous-comité discutera aussi de la connexion entre les marchés et l’utilisation des ressources. Un accent a été mis sur la question de l’utilisation des petits pélagiques, qui, dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest sont la base de la sécurité alimentaire, mais qui, par ailleurs, sont détournés pour produire de la farine et de l’huile de poisson. Comme le dénoncent depuis des années la société civile et les organisations de pêche artisanale africaines, cette production de farine et huile de poisson en Afrique de l’Ouest est totalement incompatible avec une utilisation durable et rationnelle des ressources.

Priorité à la consommation humaine

Il est élémentaire de prioriser la distribution de ces ressources pour la consommation humaine. Par exemple, en étudiant comment accroître la mise à disposition de ces petits pélagiques aux populations à travers des circuits commerciaux traditionnels mais aussi en améliorant les installations pour la conservation et transformation du poisson.

Photo de l’entête: Une femme transformatrice de poisson garde du poisson dans un congélateur, en Guinée Bissau, par Carmen Abd Ali.