Sénégal : Le ministère de la pêche n'octroiera pas de licences aux 54 navires d'origine chinoise et turque

La branche sénégalaise de Transparency International a souligné la corruption et le manque de transparence dans la gouvernance de la pêche et a formulé des recommandations pour l'améliorer


Samedi 6 juin dernier, le ministère sénégalais de la pêche et de l'économie maritime a annoncé officiellement sur Facebook qu'il n’octroierait pas les 54 licences de pêche aux navires d'origine chinoise et turque, suite à la forte opposition de la majorité des acteurs de la pêche sénégalaise. Le ministère a seulement donné une réponse favorable à la demande de changement d'option concernant deux navires déjà sous pavillon sénégalais, qui quittent “l'option senneur pélagique de haute mer vers l'option palangrier, jugée plus séléctive par la commission [CCALP, ed]". Les membres de la Commission consultative d’attribution de licences de pêche (CCALP) ont été informés par courrier de la décision du ministère.

Pour rappel, le gouvernement avait envoyé une liste de 56 demandes de licence par courriel à la CCALP début avril durant le pic des restrictions mises en place pour prévenir la propagation du COVID-19. Cela a déclenché une action conjointe des organisations de pêche artisanale et industrielle, ainsi que des organisations de la société civile, pour s'opposer à la délivrance de ces licences.

Le Forum Civil, la branche sénégalaise de l’ONG Transparency International, a cependant mis en évidence les défis de la gouvernance du secteur "caractérisé par la fraude, la corruption, le corporatisme exacerbé et les situations de monopole de fait organisées ou maintenues par l'Etat". Le dimanche 7 juin, le Forum civil a publié plusieurs recommandations au gouvernement et à l'organisation sénégalaise de la pêche industrielle (GAIPES) pour améliorer la gestion des pêches.

Les recommandations du Forum Civil

Au Ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime de :

  • Réaliser, dans des délais très rapprochés un audit sur le pavillon sénégalais par un cabinet indépendant, choisi par appel à concurrence sur la base d’un cahier des charges neutre ;

  • Publier la liste des licences attribuées (entre 2018-2019 et en 2020, renouvelées ou régularisées) afin de connaitre les bénéficiaires effectifs et les catégories de pêcheries concernées ;

  • Finaliser l’enquête sur les autorisations de pêche attribuées sous la gestion de Monsieur Omar Gueye et initiée par Madame Aminata Mbengue NIDAYE ;

  • De prendre des mesures urgentes contre la fraude exercée par des bateaux d’autres pavillons qui débarquent au Sénégal avec des cartons neutres pour « sénégaliser » le poisson ;

  • Dématérialiser et de revoir les modalités de paiement des certificats sanitaires et de capture qui épouse les contours d’une source de corruption organisée et paralégale ;

  • Retirer, toute nouvelle licence qui aurait été attribuée sans tenir compte de l’avis technique formulé par le CRODT [Centre national de recherches océaniques, ed] sur la situation de la ressource ;

  • Renforcer l’autonomie du CRODT en moyens légaux, financiers, humains et matériels, finaliser et optimiser son ancrage institutionnel ;

  • Poursuivre les efforts pour terminer les travaux de remise en bon état du bâteau ITAF DEME [bateau patrouille, ed] ;

 Au GAIPES de :

  • S’engager, sans délais, avec le Ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime, organe de l’Etat chargé d’appliquer la politique sectorielle en la matière, toutes discussions utiles à l’amélioration de la gouvernance du secteur au bénéfice des acteurs concernés ;

  • Participer, à côté d’autres acteurs intéressés, au financement de la Recherche suivant des modalités strictement encadrées par la loi ;

  • Travailler avec le Ministère et les autres acteurs à la revue et à l’amélioration du cadre légal de l’économie maritime.