Dix ans après sa création, l'Initiative pour la transparence des pêches (FiTI) commence à produire des résultats concrets, notamment pour les communautés de pêche artisanale africaines.
En instaurant une gestion plus transparente et responsable des ressources marines, la FiTI s’impose comme un véritable levier d’émancipation pour les communautés de pêche artisanale, trop souvent marginalisées dans les statistiques nationales et ignorées dans les processus décisionnels. « La transparence n’est pas un luxe, c’est un droit fondamental », a déclaré Gaoussou Gueye, président de la Confédération africaine des organisations de pêche artisanale (CAOPA), lors de la célébration du 10e anniversaire de la FiTI, le 4 juin à Berlin.
Depuis dix ans, les organisations de la société civile, en particulier celles représentant la pêche artisanale, ont utilisé la FiTI à la fois comme un outil de veille et une feuille de route stratégique. Les retombées sont tangibles.
En Mauritanie, le processus de la FiTI a révélé des incohérences dans la définition juridique de la pêche artisanale, entraînant des discussions internes sur des critères tels que la taille des embarcations, les engins utilisés ou les zones de pêche autorisées. Il s'agit là d'étapes essentielles vers la reconnaissance de toute la diversité de la pêche artisanale. À Madagascar, les données rendues publiques ont permis de dénoncer les incursions illégales de navires industriels dans la zone des 2 milles nautiques réservée à la petite pêche, renforçant ainsi les campagnes pour une application plus rigoureuse de la réglementation. Par ailleurs, la FiTI a favorisé un apprentissage entre pays, la CAOPA s’en servant comme référence pour promouvoir l'harmonisation des réformes en matière la transparence et l’inclusion dans la gouvernance halieutique à travers le continent africain.
Les Seychelles ont joué un rôle de pionnier en devenant le premier pays africain à adhérer officiellement à la FiTI et à publier des rapports élaborés avec une forte participation de la société civile. Roy Clarisse, Directeur adjoint au département de l’Économie bleue, a souligné que l’initiative avait transformé la manière dont les pêcheries sont gérées :
« Grâce à la FiTI, nous avons établi la transparence comme norme. Toutes les parties prenantes, y compris les pêcheurs artisans, participent désormais activement à l’avenir de nos pêcheries. »
Dans ce pays, le secteur de la pêche artisanale a d’ailleurs contribué à l’élaboration des rapports FiTI, en demandant notamment une meilleure distinction entre la pêche artisanale et la pêche industrielle. Cette étape importante a permis aux communautés de pêche artisanale de faire entendre leur voix dans les normes nationales de transparence et dans les réformes de la classification des flottes. Le processus FiTI a ainsi favorisé l’ouverture d’un dialogue régulier entre les autorités, le secteur artisanal et la société civile sur la meilleure façon de garantir la durabilité et les moyens de subsistance.
Il existe de fortes disparités de définition de la pêche artisanale entre les pays. Toutefois, une définition claire et inclusive de ce qu'elle est au niveau national permettra aux communautés de pêche artisanale de revendiquer leurs droits. Photo: Carmen Abd Ali.
Mais comme le demande – à juste titre – la CAOPA, quel type de transparence voulons-nous? « Nous voulons une transparence qui soutienne notre participation à la prise de décision », a souligné le président de la CAOPA, « La publication des lois, des accords d'accès et des données relatives aux licences, comme le recommande la FiTI, permet à nos communautés non seulement d'être informées, mais aussi de participer et de protéger leurs droits. »
Pour être utile aux communautés de pêche artisanale, la visibilité seule ne suffit pas; l’information publiée doit être accessible aux pêcheurs. Cela implique de traduire les informations dans les langues locales, de recourir aux médias communautaires comme la radio pour diffuser les informations ou encore de produire des résumés simplifiés des rapports afin de renforcer l’impact auprès du grand public.
L’une des contributions les plus structurantes de la FiTI à l’avenir pourrait résider dans sa capacité à encourager les États à définir ce qu’est la pêche artisanale. En exigeant des rapports réguliers sur les captures, l’emploi et les droits d’accès par catégorie de pêche, la FiTI ne se limite pas à la collecte de données : elle met en lumière les lacunes existantes et renforce la visibilité d’un secteur encore trop souvent ignoré dans l’élaboration des politiques. Le « principe de progressivité » adopté par la FiTI, qui prévoit une amélioration continue de la transparence tous les deux ans, maintient la question de la pêche artisanale à l’agenda politique et crée un levier pour faire avancer la reconnaissance des droits du secteur. La FiTI crée une pression en faveur des réformes et donne aux acteurs de la pêche artisanale un point d'appui pour faire pression en faveur de l'inclusion dans les politiques qui affectent leurs moyens de subsistance.
Les enjeux sont considérables. De nombreux cadres internationaux, tels que l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, les Directives de la FAO sur la pêche artisanale ou encore l’Objectif de développement durable 14.b, préconisent un traitement préférentiel pour la pêche artisanale – accès réservé à la zone côtière, programmes de soutien et subventions. Toutefois, en l’absence de définition nationale précise, les gouvernements sont dans l’incapacité d’identifier clairement les bénéficiaires de ces mesures, ce qui laisse la porte ouverte à une appropriation abusive du terme « artisanal » par des acteurs industriels. Une définition nationale rigoureuse et inclusive permettra aux communautés de pêche artisanale de faire valoir leurs droits, de bénéficier des politiques de soutien, et de figurer pleinement dans les rapports nationaux sur la durabilité, les droits humains et la bonne gouvernance des océans.
Le chemin parcouru par la FiTI en dix ans démontre que la transparence peut être un outil puissant de justice sociale. Elle offre aux communautés de pêche artisanale, lorsqu’elles sont soutenues et incluses, une capacité accrue à défendre leurs droits et à participer aux décisions qui affectent leurs moyens de subsistance. Comme le résume la CAOPA : « La véritable promesse de la FiTI ne réside pas dans les rapports qu’elle produit, mais dans les voix qu’elle permet d’amplifier. Continuons à avancer, ensemble. »
Photo de l’entête : Des pirogues artisanales au port de Joal, Sénégal. Photo: Mamadou Aliou Diallo
Dix ans après sa création, la FiTI a autonomisé lespêchae artisanale africaine en promouvant la transparence, la responsabilité et l'élaboration de politiques inclusives. Elle renforce la visibilité, soutient la reconnaissance juridique et favorise une participation éclairée à la gouvernance des ressources marines.