Le Parlement européen a-t-il écouté les préoccupations des pêcheurs artisans des Seychelles?

Lors de la prochaine session plénière du Parlement européen (PE), le 12 novembre, les députés européens seront invités à donner leur accord sur la proposition d'Accord de Partenariat de Pêche Durable (APPD) entre l'Union européenne et la République des Seychelles et son protocole d'application (2020-2026).

Au cours des négociations de l’APPD, l'organisation locale de pêche artisanale Seychelles Fishermen and Boat Owners Association (SFBOA), a mis en avant ses priorités. L'APPD UE-Seychelles devrait (i) contribuer à réduire la pression sur les ressources thonières et sur l'environnement, notamment en limitant le nombre de senneurs, de navires d’appui et de DCP dans la zone couverte par la CTOI ; (ii) assurer la transparence et une plus grande participation des acteurs du secteur de la pêche et des communautés locales, et (iii) utiliser les fonds de l’appui sectoriel principalement pour une meilleure gestion de la pêche et pour l'amélioration des conditions de vie et de travail dans le secteur de la pêche locale, essentiel pour la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et les exportations de produits de qualité.

Keith Andre (troisième en commençant par la gauche), président de l'Association des pêcheurs et propriétaires de bateaux des Seychelles (SFBOA), présentant les priorités des communautés de pêche artisanale lors d'un événement organisé au Parlement e…

Keith Andre (troisième en commençant par la gauche), président de l'Association des pêcheurs et propriétaires de bateaux des Seychelles (SFBOA), présentant les priorités des communautés de pêche artisanale lors d'un événement organisé au Parlement européen en novembre 2019. Photo : Joëlle Philippe/CAPE

Pour CAPE, la proposition de résolution du PE qui sera votée jeudi prochain relaie en effet bon nombre de ces préoccupations.

De manière cruciale, elle note que l'accord de partenariat pourrait potentiellement conduire à "une augmentation de la capacité de pêche dans la région, malgré les recommandations scientifiques [NDLR: Le comité scientifique de la CTOI recommande de réduire les captures d'albacore de 20%] visant à réduire la capture du thon albacore surpêché et malgré les appels des pêcheurs des Seychelles à réduire l'effort de pêche dans la région". La résolution du PE invite instamment la Commission, en collaboration avec les autorités seychelloises, à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la surpêche du thon albacore par la flotte de l'UE, notamment en "introduisant des limites de capture pour le thon à nageoires jaunes et en renforçant la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée".

Le texte salue également l'introduction de mesures visant à limiter le nombre de navires d’appui et l'utilisation de dispositifs de concentration du poisson (DCP), et se félicite de l'obligation d'utiliser des DCP biodégradables, qui doivent être récupérés lorsqu'ils ne sont plus opérationnels. Toutefois, "ces mesures ne sont pas suffisantes pour limiter l'impact négatif des DCP sur la biodiversité et les déchets marins et leur utilisation doit être rapidement et radicalement réduite".

La résolution proposée souligne que "le secteur de la pêche des Seychelles, y compris sa composante artisanale, n'a pas été suffisamment impliqué tout au long des négociations", et demande que "la participation et le dialogue avec les communautés locales et les acteurs de la pêche soient améliorés, autant que possible, en les tenant informés et en les incluant systématiquement dans la mise en œuvre de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche, afin de garantir que les intérêts et le développement du secteur de la pêche des Seychelles ne soient pas compromis par l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l'UE et les Seychelles".

La résolution se félicite également de la transparence accrue introduite dans l’APPD - le gouvernement des Seychelles a en effet accepté de publier les informations relatives à tout accord d'accès pour des flotets étrangères, en particulier le nombre d'autorisations de pêche délivrées et les captures déclarées. Toutefois, la Commission est invitée à aller plus loin dans le texte proposé et à rendre publics les procès-verbaux et les conclusions des réunions de la commission mixte.

Cela répondrait aux recommandations conjointes de CAPE publiées en mai 2020, en collaboration avec le WWF, BirdLife Europe & Central Asia, mais aussi avec la CAOPA et la FPAOI, la Fédération des pêcheurs artisanaux de l'Océan Indien, dont la SFBOA est membre. Dans ces recommandations, nous demandions qu'une clause de transparence, ajoutée pour la première fois en 2015 dans l’accord avec la Mauritanie, soit intégrée dans toutes les APPD (voir page 4, premier paragraphe).

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La résolution note également que la redevance par tonne de thon capturé, à payer par les armateurs, est en augmentation: de 55 euros par tonne il y a quelques années, elle sera de 85 euros par tonne pour le nouveau protocole. Pour CAPE, il s'agit d'une évolution positive et, en ligne avec les recommandations conjointes des ONG, nous souhaitons une nouvelle augmentation de cette redevance, afin de réduire l'utilisation de l'argent des contribuables pour le paiement de l'accès des flottes thonières de l'UE, de sorte que la compensation financière soit uniquement utilisée pour l’appui sectoriel.

Il est intéressant de voir que les questions liées aux relations de pêche entre l'UE et les Seychelles en dehors de l’APPD sont également mentionnées. La résolution proposée plaide généralement en faveur d'un alignement plus fort entre ce qui est fait dans l'APPD et les résolutions et recommandations de la CTOI. Cela répondrait à la demande de la SFBOA, qui a insisté sur l'application de la recommandation de la CTOI sur les navires d’appui (2 navires d’appui pour un minimum de 5 senneurs, battant le même pavillon, conformément à la résolution de la CTOI 19/01).

Le cas des thoniers senneurs appartenant à des citoyens ou des entreprises de l'UE et battant pavillon des Seychelles est également mis en évidence dans la proposition de résolution. Il est en effet essentiel, conformément à l'esprit du règlement du SMEFF, de veiller à ce que ces navires n'utilisent pas le changement de pavillon comme moyen de contourner les règles de gestion plus strictes de l'UE et les limites d'accès des flottes de l'UE.




Photo bannière : Navire de pêche industrielle à Maurice. Par Jo-Anne McArthur - Unsplash/@weanimalsmedia