La pêche en Afrique : des zones économiques exclusives pour faire quoi ?

Le droit international de la mer a connu un profond bouleversement dans le dernier quart du 20ème siècle. La possibilité d’établir des zones économiques exclusives (ZEE) a permis aux Etats côtiers d’exercer des droits souverains pour l’exploitation des ressources de pêche présentes dans un espace étendu de leurs eaux côtières. Pour les Etats africains, la richesse de leurs eaux côtières aurait théoriquement dû leur permettre d’apporter des bénéfices importants à leurs populations. La pêche artisanale est un vivier d’emplois essentiel dans les zones côtières, à la fois pour les pêcheurs eux-mêmes et pour les personnes employées pour la transformation et la commercialisation des captures, notamment les femmes. Par conséquent, les pays africains auraient dû être en mesure d’améliorer la sécurité alimentaire des populations du continent.

Ce n’est pas le cas. A l’exception de la petite pêche côtière qui exploite en premier lieu la mer territoriale, les ressources de la ZEE sont souvent exploitées par des navires de pavillons d’Etats tiers venant la plupart du temps d’autres continents (Europe, Est de l’Asie, Russie) et les captures sont souvent exportées directement vers ces pays. Quant aux navires de pêche industrielle ou semi-industrielle immatriculés dans un Etat côtier africain et exploitant la ZEE, ceux-ci sont souvent détenus par des « sociétés mixtes » qui sont des sociétés enregistrées dans l’Etat côtier concerné mais sont en réalité contrôlées par des armateurs étrangers.

Comment une telle situation est possible ? Comment se fait-il que, dans aucun Etat africain, il n’y ait un secteur de la pêche qui se soit suffisamment développé pour éviter que leur Gouvernement permette à des navires étrangers de venir y pêcher ? Comment se fait-il que les Etats africains n’aient pas mieux mis à profit l’existence de ces ZEE où ils exercent des droits souverains ?

L’objectif de cet article écrit par Michel Morin [1] est d’analyser le paradoxe entre, d’une part, les droits souverains qu’ont les Etats côtiers africains sur les ressources de pêche dans leurs ZEE conformément à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et, d’autre part, le faible bénéfice qu’ils en retirent pour leurs populations, notamment pour la sécurité alimentaire et en matière d’emploi. Après avoir décrit le cadre général d’exploitation de ces ressources tel qu’il est défini par cette convention ainsi que les modalités selon lesquelles les navires étrangers de pêche lointaine viennent pêcher dans les eaux de ces Etats côtiers, cet article montre qu’il existe une faiblesse structurelle de ces Etats dans le marché des droits de pêche qui s’explique notamment par les phénomènes de corruption et de manque de transparence et il conclut par la nécessité d’un changement de gouvernance dans la gestion des pêches africaines.

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Michel Morin

est docteur en droit et consultant-chercheur associé au Centre de droit maritime et océanique de Nantes (CDMO), en France.

[1] Photo de l’entête: Pirogues sur la plage de Gunjur, en Gambie. Mamadou Aliou Diallo/REJOPRA