CAPE et ses partenaires signent le Blue Manifesto pour encourager l'UE à devenir un leader mondial en faveur de la santé des océans

En janvier 2020, 102 organisations de la société civile européenne ont présenté un plan décennal proposant des actions concrètes pour sauver les zones marines et côtières

CAPE et ses partenaires, la Société suédoise pour la conservation de la nature (SSNC) et Pain pour le Monde (PPM), ont rejoint les quatre-vingt-dix-neuf autres organisations de la société civile européenne qui appellent l'UE à placer l'océan au cœur de ses stratégies climatiques via un plan de sauvetage sur dix ans appelé Blue Manifesto. Le manifeste présente des actions spécifiques, étape par étape, pour rendre l'océan en bonne santé d'ici 2030, en insistant sur une transition complète vers une pêche à faible impact et une planification des activités humaines qui soutiennent la restauration d'écosystèmes marins florissants.

Au cours des derniers mois, CAPE a mis en garde contre les dangers de l'approche de la croissance bleue de l'UE, en soulignant la marginalisation de la pêche au profit de secteurs plus lucratifs tels que la production d'énergie, l'aquaculture, le transport maritime, la biotechnologie marine, les mines et le tourisme. En outre, cette stratégie non inclusive est encore plus préoccupante si l'UE devait la promouvoir dans son dialogue avec les pays tiers. En Afrique, la pêche à petite échelle est essentielle à la durabilité sociale, économique et écologique des communautés côtières.

Nous pensons que le Blue Manifesto comble les lacunes de la stratégie de croissance bleue de l'UE et, bien qu'il se concentre sur les eaux de l'UE, il contient des aspects essentiels que CAPE et ses partenaires SSNC et PPM souhaiteraient voir appliquer par l'UE dans le cadre de la dimension extérieure de sa politique commune de la pêche. Comme l'indique l'introduction du Manifesto : « Nous avons besoin que les écosystèmes marins et côtiers soient riches [...] pour qu'ils puissent [...] soutenir la vie sur terre. [...] Nous en dépendons - même si nous vivons à l'intérieur des terres. »

Le manifeste bleu est une feuille de route sur dix ans pour un océan en bonne santé, signée par 102 organisations de la société civile européenne, dont CAPE et ses partenaires.

Ces aspects clés sont les suivants :

  1. Avant 2020, les pays de l'UE étaient légalement tenus d’instaurer quelques mesures qu'ils n'ont pas réussi à mettre en place. Le Blue Manifesto les invite à combler ces lacunes de toute urgence, en prenant notamment « des mesures pour mettre fin à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée dans leurs eaux, par leur flotte ou par leurs citoyens ». Aujourd'hui encore, certains navires battant pavillon d'États membres de l'UE auraient pêché illégalement sur les côtes africaines. Bien que des procédures juridiques existent et que la lutte contre la pêche INN et la transparence des accords de pêche aient été considérablement améliorées, certains États membres ne contrôlent toujours pas leurs navires et la Commission européenne semble réticente à engager des procédures d'infraction contre ces membres.

  2. Le manifeste demande que d'ici la fin de 2020, l'UE « supprime les exonérations de la taxe sur le carburant pour les navires de pêche ». L'exonération de la taxe sur le carburant constitue un soutien important pour les chalutiers actifs dans les eaux côtières d'Afrique de l'Ouest, sans lequel un grand nombre d'entre eux ne pourraient pas pêcher de manière rentable. Les chalutiers côtiers sont de loin la flotte la plus destructrice des écosystèmes marins côtiers africains. CAPE et ses partenaires africains plaident depuis longtemps pour la protection et, le cas échéant, l'extension des zones de pêche artisanale exclusives afin de protéger les écosystèmes fragiles contre les dommages causés par les chalutiers, tout en permettant l'épanouissement et le développement du secteur local de la pêche artisanale. Ce fut le cas au Liberia où une zone d'exclusion côtière de 6 miles nautiques (en anglais, IEZ) a permis aux pêcheurs artisanaux de pêcher de manière plus sûre et des volumes de poissons plus importants. C'est la raison pour laquelle nous nous félicitons également de la demande formulée dans Blue Manifesto visant à interdire, d'ici 2027, « l'utilisation d'engins et de techniques non sélectifs et destructeurs dans les eaux de l'UE et par les navires de l'UE, y compris la flotte de pêche lointaine. »

  3. Toujours d'ici à la fin de 2020, le Manifesto insiste sur le fait que l'UE « instaure un moratoire sur l'exploitation minière en eaux profondes, cesse de soutenir financièrement la recherche et le développement technologique et, avec les pays de l'UE, pousse à l'adoption d'un moratoire mondial au sein de l'Autorité internationale des fonds marins » et que d'ici à 2022, l'UE « interdise toute nouvelle exploration et production pétrolière et gazière offshore et adopte une stratégie visant à éliminer progressivement l'extraction actuelle de pétrole et de gaz offshore ». L'exploitation minière en eaux profondes a plusieurs implications pour la pêche artisanale, notamment en Afrique, comme l'accès restreint aux zones de pêche, les préoccupations concernant les accidents et les pollutions telles que les marées noires. L'exploration pétrolière et gazière offshore utilise également des systèmes de cartographie acoustique qui, selon les rapports, nuisent et modifient le comportement migratoire des poissons. L'UE, qui dépend fortement des combustibles fossiles de la Russie, investit de plus en plus en Afrique. En effet, les plus grandes exportations africaines vers l'UE, en valeur, sont le pétrole et le gaz. CAPE a plaidé pour que l'UE mette fin à tout financement public de l'exploitation minière en eaux profondes en Afrique. Bien que cela n'ait pas d'effet immédiat sur la réduction des projets de combustibles fossiles en mer, l'UE pourrait être un catalyseur de changement.

  4. En outre, le Blue Manifesto appelle l'UE, d'ici 2023, à adopter un plan d'action pour assurer « une transition complète vers une pêche européenne à faible impact » et, d'ici 2030, à passer entièrement à la pêche à faible impact. Avec la prochaine évaluation de la PCP en 2022, plusieurs questions clés devront être réexaminées. L'appel lancé par les citoyens européens dans la rue pour demander à leurs gouvernements de prendre des mesures contre le changement climatique ne peut être ignoré. En effet, l'UE, respectant le principe de cohérence entre les politiques intérieures et extérieures, devrait également protéger et promouvoir la pêche à faible impact dans ses relations avec les pays africains. En 2015, la FAO a reconnu le rôle clé et mondial de la pêche à petite échelle dans l'éradication de la faim et de la pauvreté ainsi que sa contribution à un développement social et économique durable. CAPE et ses partenaires ont fait partie des organisations de la société civile qui ont appelé à soutenir une pêche responsable, ce qui s'est traduit par la publication des Directives volontaires visant à garantir la sécurité de la pêche à petite échelle. Plus récemment, dans le contexte des ORGP thonières, CAPE et son partenaire africain CAOPA ont plaidé en faveur d'un nouveau système d'allocation du thon afin de donner la priorité aux pêcheurs qui pratiquent la pêche la plus durable et qui apportent le plus d'avantages dans le développement social et économique des pays côtiers.

  5. D'ici 2025, le Blue Manifesto demande à l'UE d'adopter une réglementation « garantissant que toute la production aquacole dans les mers de l'UE est non polluante et ne dépend pas d'ingrédients alimentaires dérivés de la mer ». Depuis 2015, les partenaires africains de CAPE protestent contre le développement anarchique de nombreuses usines de farine de poisson en Afrique de l'Ouest. La farine de poisson est principalement utilisée pour nourrir les animaux et les poissons d'élevage intensif. La croissance rapide de la production de farine de poisson en Afrique a entraîné une diminution sans précédent des stocks de poissons, en particulier de sardinelle. Les organisations locales de pêcheurs ainsi que les femmes transformatrices de poisson ont demandé la fermeture des usines de farine de poisson qui dépendent du poisson frais, en raison de la baisse des prises et de la perturbation de l'approvisionnement des activités des femmes transformatrices de poisson (concurrence pour l'accès au poisson). Ces usines polluent également l'environnement. Alors que cette farine de poisson est exportée vers la Chine, le Vietnam ou l'Europe, l'utilisation de poisson frais dans ces usines affecte la sécurité alimentaire des communautés côtières, tandis que des emplois et des moyens de subsistance, en particulier pour les femmes, sont perdus.

 

Plus d'informations :

·         Communiqué de presse pour le Blue Manifesto

·         Lire le Blue Manifesto dans son intégralité

·         Les dangers de l'approche de la croissance bleue pour la pêche à petite échelle