Droits et Responsabilités des Etats du pavillon et côtiers en Afrique de l'Ouest - commentaires sur l'avis du TIDM à la requête de la CSRP

Le 2 avril 2015, le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) a rendu un avis consultatif, à la suite d’une demande soumise par la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), le 28 mars 2013.

 La demande d’avis consultatif a pour but d’appuyer les Etats membres de la CSRP afin qu’ils tirent le plus grand profit de la mise en œuvre effective des instruments juridiques pertinents, et qu’ils soient guidés dans leurs démarches visant à faire face aux défis de la pêche INN.

L’objectif est que les réponses aux questions posées par la CSRP lui permettent d’obtenir les éléments à caractère juridique nécessaires au bon déroulement de ses activités, notamment la mise en œuvre effective de la Convention CMA.

Dans l’ensemble, l’avis consultatif du TIDM reprend et explicite les règles du droit international existantes.

Dans sa note, CAPE résume les principaux éléments de réponse repris dans l'avis consultatif du TIDM et fait les commentaires suivants:

 

·         En général, le TIDM met l'accent sur les responsabilités de l’État du pavillon et insiste peu sur la responsabilité première des États côtiers pour la gestion et la conservation des ressources au sein de leurs Zones Economiques Exclusives, qui se traduit par des droits et obligations, notamment en matière de Contrôle, de Suivi et de Surveillance (SCS). Des lacunes dans ce domaine, ainsi que dans l’application des lois existantes, ont notamment été mises en évidence récemment dans le rapport de Greenpeace, dénonçant diverses opérations de pêche INN par des navires d'origine chinoise, - certains d'entre eux battant pavillon de pays membres de la CSRP : fraude sur le tonnage réel des bateaux, chalutiers pêchant dans la zone de pêche artisanale, etc.

·        Dans l’avis consultatif du TIDM, les Etats membres de la CSRP sont considérés comme des États côtiers, pas comme des Etats du pavillon. Ces dernières années cependant, plusieurs cas de pêche INN par des navires pavillonnés dans l'un des membres de la CSRP, ont été enregistrés (y compris le cas d'un navire thonier sénégalais, d'origine espagnole, arrêté pour pêche illégale dans l’Océan indien/ /ZEE de Madagascar en 2008). Par conséquent, les recommandations de TIDM aux États du pavillon devraient également s'appliquer aux membres de la CSRP.

·         La demande de la CSRP concernant les accords de pêche, et l’avis du TIDM, se focalisent sur le cas où ‘une organisation internationale qui exerce sa compétence exclusive en matière de pêche’ négocie un accord – dans la région, c’est le cas uniquement des accords de pêche bilatéraux négociés par l'UE avec les pays de la CSRP. L’avis consultatif du TIDM devrait aussi servir de base pour engager la responsabilité des autres pays pêcheurs étrangers qui négocient des accords de pêche avec les États côtiers de la CSRP, comme la Russie, la Chine et la Corée, dont les activités de pêche restent généralement opaques.

·         Il est aussi nécessaire d'élargir le débat sur la base de cet avis consultatif à ce que font les entreprises privées, - avec des bateaux originaires de l'Union européenne ou d'autres pays étrangers -, qui signent des accords privés, créent des sociétés mixtes, ou signent des contrats d’affrètement, souvent opaques, pour pêcher dans les eaux de l'Afrique de l'Ouest. Il est nécessaire de renforcer les législations des États côtiers concernant ces autres types d’arrangements, ainsi que le contrôle qu’exerce l'État du pavillon initial - qui reste souvent l'état de la propriété véritable - pour assurer plus de transparence et éviter que ces navires contribuent à la surpêche et à la concurrence avec le secteur local artisanal.

·         Les ressources pélagiques, en particulier des petits pélagiques (sardinelles, sardines, chinchards, etc.) sont des ressources essentielles pour la sécurité alimentaire et la création d’emplois dans le secteur de la pêche artisanale dans la région. L’avis consultatif du TIDM devrait servir à renforcer la volonté politique au niveau régional pour gérer ces ressources de manière coordonnée, y compris lors de la négociation des accords de pêche, en tenant compte des enjeux de durabilité et de sécurité alimentaire.

·         Dans sa déclaration écrite soumise au TIDM dans le contexte de l’examen de la requête de la CSRP, l'UE a décrit sa réglementation comme un outil efficace pour lutter contre la pêche INN, soulignant en particulier les sanctions commerciales : les pays identifiés comme non-coopérants reçoivent une carte jaune, suivie d’une carte rouge si le pays ne prend pas de mesures pour lutter contre la pêche INN. Cette carte rouge signifie que les produits de la pêche du pays concerné ne peuvent pas accéder au marché de l'UE. Toutefois, la mise en œuvre de la réglementation INN de l’UE a révélé ses limites lorsque l'UE a récemment retiré la Corée de la liste des pays non-coopérants sous prétexte que le pays avait entrepris des réformes législatives, uniquement sur papier. Les indications sont que les navires battant pavillon coréen continuent à s'engager dans des activités douteuses au large de la côte occidentale africaine, en particulier en Guinée.

Cependant, la Guinée, Etat membre de la CSRP, a été elle-même répertoriée comme Etat non coopérant par l’UE en 2013, et ce même si elle a entrepris des réformes législatives sur papier. Cette situation crée un soupçon que l'UE applique deux poids deux mesures lors de l'application de sa réglementation INN à la Corée et à la Guinée.