Conakry : une communauté de pêcheurs va être expulsée en raison d'un bail du gouvernement pour un terrain à l'Hôtel Noom

CAPE demande que ce processus d'expulsion soit immédiatement suspendu et que les intérêts des communautés côtières guinéennes soient pleinement respectés, conformément aux engagements internationaux de la Guinée

Environ 800 pêcheurs artisanaux, femmes transformatrices et mareyeuses travaillant sur le site de débarquement et de transformation de Kouléwondy, dans la commune de Kaloum à Conakry, doivent quitter la zone qu'ils utilisent depuis un siècle. La semaine dernière, les forces de sécurité guinéennes sont arrivées sur le site sans prévenir et ont lancé du gaz lacrymogène sur les travailleurs. La collectivité a ensuite communiqué avec le Ministre des Pêches et de l’Économie Maritime qui a répondu qu'il n'était pas au courant de la situation. Par la suite, les autorités du ministère ont déclaré que la communauté avait été préalablement informée et qu'on lui avait dit de quitter la zone. La communauté insiste sur le fait qu'ils n'ont jamais été informés.

Les autorités ont demandé aux quelque 300 femmes transformatrices de poisson de transférer leurs activités dans un autre site, actuellement occupé par 350 autres femmes et où le nombre de fours de fumage est déjà insuffisant. Les pêcheurs ont également reçu l'ordre de partir, mais aucun autre lieu de débarquement ne leur a été proposé. Depuis mardi dernier, la communauté dort dans ses pirogues et sur les installations alors que les bulldozers ont commencé à racler le site. 

Selon des sources gouvernementales, la raison de cette expulsion est la location du terrain à l'Hôtel Noom, propriété du groupe hôtelier Mangalis, filiale du holding international Teyliom, qui a été construit il y a 3 ans sur la péninsule. Selon certaines sources locales, la terre sur laquelle travaillaient les femmes appartenait à l'État qui a établi un bail de 60 ans avec l'hôtel.

Les femmes et les hommes affectés par l’expulsion dorment dans leurs pirogues et sur le site de débarquement de Kouléwondy (sur la photo, avec l’hôtel Noom en arrière-plan). Photos: Aliou Diallo/REJOPRA

Les femmes et les hommes affectés par l’expulsion dorment dans leurs pirogues et sur le site de débarquement de Kouléwondy (sur la photo, avec l’hôtel Noom en arrière-plan). Photos: Aliou Diallo/REJOPRA

Pour Beatrice Gorez, coordinatrice de CAPE, priver les pêcheurs artisanaux et les femmes transformatrices de leur site traditionnel de débarquement et de transformation du poisson aura un impact négatif sur les moyens de subsistance de ces communautés côtières ainsi que sur la sécurité alimentaire. En effet, en Guinée, la pêche artisanale et la transformation traditionnelle fournissent de la nourriture aux couches les plus pauvres de la population.

"Cette expulsion va à l'encontre des Directives volontaires pour la sécurisation des pêches à petite échelle dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l'éradication de la pauvreté auxquelles la Guinée et tous les États membres de la FAO ont souscrit."

BEATRICE GOREZ, Coalition pour des accords de pêche équitables

Francisco Mari, de Pain pour le Monde, a déclaré que la société civile mondiale a accompagné les gouvernements ces dernières années pour qu’ils respectent les droits humains des communautés, par exemple dans les Directives volontaires de la FAO sur la gouvernance responsable des régimes fonciers, des pêches et des forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

"Il est maintenant recommandé aux gouvernements d'obtenir toujours le consentement préalable des communautés et des professionnels avant de réaliser des investissements. Nous condamnons cette approche de l'investisseur Mangalis Hotel Group, qui fait partie de Teyliom International Holding, qui a décidé de retirer les gens de leur site de travail traditionnel pour agrandir leur hôtel. Notre solidarité est avec les femmes et les hommes du secteur de la pêche artisanale de Conakry qui luttent pour leurs droits et nous demandons au gouvernement guinéen de revenir pour servir de médiateur et mettre fin à toute violence".

FRANCISCO MARI, Pain pour le monde

Erratum : Suite à une correspondance avec la société propriétaire de l'hôtel fin décembre 2019 et à des informations complémentaires fournies par des sources locales, cet article a été mis à jour le 15 janvier 2020. Une version précédente indiquait que le terrain avait été vendu par le gouvernement guinéen à l'hôtel, alors qu'en fait, il a été loué pour une période de 60 ans. La version précédente mentionnait également l'agrandissement du parking de l'hôtel sur le terrain expulsé et a été modifiée en tenant compte des déclarations de Mangalis Hotel Group selon lesquelles leur société n'a "aucun projet d'agrandissement du parking de l'hôtel Noom de Conakry sur le terrain expulsé".