Retrait de la Corée de la liste INN de l'UE: trop, trop vite

Le 21 avril, la Commission européenne a révisé sa liste de pays considérés comme ne faisant pas assez pour combattre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), conformément à la réglementation de l'UE visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN.

La CE a ainsi mis en demeure la Thaïlande (« carton jaune ») qui ne prend pas de mesures suffisantes pour la lutte internationale contre la pêche INN. La CE a également reconnu que la Corée et les Philippines ‘ont apporté des réformes appropriées’ de leur système juridique, qui est maintenant 'en ligne avec le droit international’, et leur permet de lutter efficacement contre la pêche INN. La CE a donc supprimé le carton jaune de ces deux pays.

CAPE estime que, dans le cas de la Corée, cette suppression est peut être prématurée. Si, en effet, une réforme de la législation de la Corée a été entreprise sur papier pour freiner les opérations de pêche INN de sa flotte de pêche lointaine, y compris des navires coréens pêchant en Afrique de l'Ouest, il n'est pas encore clair si, et dans quelle mesure, la Corée a l'intention de les appliquer.

D'après nos informations, il semble que plusieurs chalutiers coréens qui pêchent en Afrique de l'Ouest ont récemment fait des incursions illégales dans la zone de pêche artisanale, notamment en Guinée Conakry.

En 2013, la Guinée a reçu un « carton rouge » de l'Union européenne, l’UE ayant considéré que le pays ne faisait pas assez pour lutter contre la pêche INN; La Guinée s’est, depuis lors, vu interdire d'exporter ses produits de la pêche sur le marché de l'UE.

Nous sommes donc maintenant dans une situation où un État côtier en développement, la Guinée, ne peut pas exporter ses poissons sur le marché de l'UE, alors qu'une nation de pêche lointaine, la Corée, - qui n’a pas encore pris de mesures concrètes pour appliquer sa nouvelle législation afin d’empêcher que ses flottes en Afrique de l'Ouest ne soient impliquées dans la pêche INN-, peut exporter vers l'UE du poisson pêché dans les eaux ouest-africaines, guinéennes ou autres. Il s'agit d'une situation injuste, qui semble montrer que des considérations commerciales, - la Corée étant un partenaire commercial clé pour l'Union européenne, contrairement à la Guinée-, ont conduit l'Union à retirer, de façon prématurée, le carton jaune de la Corée.

Nous tenons à rappeler que, dans les pays d'Afrique occidentale, les premières victimes des opérations illégales de chalutiers étrangers dans les eaux côtières sont des communautés de pêche artisanale. Le fait que l'Union européenne a supprimé le carton jaune de la Corée, en l'absence de résultats tangibles que le pays met en œuvre ses réformes, peut non seulement causer des dommages supplémentaires aux communautés côtières africaines, mais aussi créer un dangereux précédent.

Quel intérêt y aura-t-il pour d'autres nations de pêche lointaine et d’autres pays côtiers à protéger efficacement leurs communautés côtières contre les activités illégales des chalutiers d’origine étrangère, si le message donné par l'UE, c'est qu'il suffit d'entreprendre une réforme « sur papier » pour pouvoir librement vendre son poisson sur le marché européen?

À un moment où nous assistons à grand nombre de re-pavillonnements de chalutiers des pays industrialisés, – de l’UE, de la Chine, de la Corée, entre autres-, vers les pays en développement, comment éviter le « re-pavillonnement de complaisance » en vue d’échapper aux règles, si le message donné aujourd'hui par l'Union européenne, c'est que la seule chose qui importe, c’est que la lutte contre la pêche INN se fasse sur papier?

Prévenir, contrecarrer et éliminer les activités de pêche INN qui menacent les moyens de subsistance des communautés côtières ouest-africaines devraient exige des actes concrets, pas de masquer les fissures du système avec du papier.